L’enfer des camps de la mort

Les premiers camps de concentration sont ouverts dans l'Allemagne hitlérienne dès l'arrivée au pouvoir des nazis.

Le système concentrationnaire

Deux catégories de déportés arrivent dans les camps de concentration : les « déportés résistants et politiques » et les déportés qualifiés de « raciaux » d'autre part, c'est-à-dire les Juifs et les Tziganes.

Les premiers camps de concentration sont ouverts dans l'Allemagne hitlérienne dès l'arrivée au pouvoir des nazis pour recevoir les communistes, les autres opposants politiques (socialistes et démocrates chrétiens ) ainsi que les Juifs, mélangés aux prisonniers de droit commun, aux « asociaux » et aux malades mentaux, d'abord à Dachau près de Munich en mars 1933, puis à Oranienburg-Sachsenhausen, Buchenwald, Flossenburg et Ravensbrück pour les femmes. D'autres camps sont également implantés dans les pays annexés ou occupés par l'Allemagne nazie, en 1938 à Mauthausen en Autriche, en 1939 à Theresienstadt en Tchécoslovaquie, en 1940 à Auschwitz en Pologne, et en 1941 au Struthof-Natzweiler en Alsace.

Deux catégories de déportés arrivent dans ces camps : les « déportés résistants et politiques » d'une part, et les déportés qualifiés de « raciaux » d'autre part, c'est-à-dire les Juifs et les Tziganes. Les nazis agrandissent les premiers camps et en ouvrent d'autres à Neuengamme, Bergen-Belsen, Dora, Gross-Rosen en Allemagne, à Maïdanek et Stutthof en Pologne. Des convois affluent rapidement de toute l'Europe occupée vers ces camps placés sous le contrôle des SS.

Dans ces camps de concentration, les déportés sont soumis au travail forcé dans les Kommandos, les usines secrètes d'armement et les filiales des grandes firmes allemandes installées dans ou à proximité des camps. Douze heures de travail par jour, les appels interminables dès l'aube et tard dans la nuit par tous les temps, les sévices infligés par les Kapos, la sous-alimentation, les maladies mal soignées : les déportés les plus faibles ne résistent pas longtemps à ce régime terrible. Ces « camps de la mort lente » deviennent d'inépuisables réservoirs de main-d'œuvre constamment renouvelés, et les déportés, des esclaves de la machine de guerre nazie.

En Pologne à partir de 1941-1942, des centres de mise à mort sont ouverts à Chelmno, Treblinka, Sobibor, Belzec, ou implantés dans des camps de concentration préexistants tels que Maïdanek et surtout Auschwitz-Birkenau, dans le cadre de la « Solution finale ». L'objectif des nazis vise à l'extermination totale et systématique des Juifs et des Tziganes qualifiés de « sous-hommes », dans des centres de mise à mort immédiate. La plupart des déportés sont exterminés le jour même de leur arrivée ou au cours des jours suivants, à l'issue d'une sélection qui oriente immédiatement vers les chambres à gaz les enfants, les vieillards, les femmes, les malades, tandis que les plus valides sont employés quelque temps comme esclaves au travail forcé, avant d'être exécutés à leur tour quand ils ne meurent pas d’épuisement.

L’organisation des camps de concentration et des camps d'extermination s'appuie sur une gestion rigoureuse des convois de déportés acheminés vers les camps. La recherche de l'efficacité va jusqu'à l'exploitation commerciale et industrielle des cadavres : après avoir confisqué les vêtements, les chaussures, les effets personnels des déportés dès leur arrivée dans les camps, les nazis récupèrent sur les morts, après les avoir exterminés, dents en or, lunettes, dentiers, tandis que les cheveux sont tissés pour fabriquer des couvertures, les os broyés et transformés en engrais.

Le complexe de camps d’Auschwitz-Birkenau

Le complexe des camps d’Auschwitz-Birkenau est situé dans la partie polonaise du Grand Reich à Oswiecim en Pologne. Il est créé en avril 1940 par Himmler.

Le camp d’Auschwitz-Birkenau est situé dans la partie polonaise du Grand Reich à Oswiecim en Pologne. Il est créé en avril 1940 par Himmler et sa libération a lieu par l'Armée rouge le 27 janvier 1945.

Le complexe concentrationnaire d'Auschwitz est constitué de trois camps :

  • Auschwitz I camp principal ouvert à l’été 1940, dédié à la concentration et au travail forcé.
  • Auschwitz II, ou Birkenau, ouvert le 8 octobre 1941 en tant que camp mixte, concentration et centre de mise à mort.
  • Auschwitz III ou Monowitz, ouvert le 31 mai 1942 en tant que camp de travail ; sans compter les camps annexes.

Auschwitz II comprend plusieurs camps :

  • un camp pour les hommes, femmes, tziganes, familles juives de Theresienstadt,
  • un camp de quarantaine pour les nouveaux arrivants,
  • un camp dit « Kanada » où l’on ne s'occupe que de la garde et du triage des biens confisqués aux détenus.

À Auschwitz III, les SS louent la main-d’œuvre fournie par les déportés au complexe industriel voisin qui produit du caoutchouc synthétique pour le compte de la firme IG Farben.

À l’arrivée des convois, une sélection opérée par les médecins SS oriente la majorité des déportés vers les chambres à gaz. Quelques Juifs sont désignés pour travailler dans les camps. Ils trient les vêtements et les bagages qui sont ensuite expédiés vers l’Allemagne ou s’occupent des chambres à gaz et des morts (Sonderkommandos). Mais ils sont à leur tour très rapidement exterminés.
Il y a jusqu'à sept chambres à gaz utilisant du Zyklon B. 

Wagons à bestiaux qui servent aux transports de déportés, 2009

Compléments audio

Écouter le témoignage de Charles Gottlieb, rescapé d’Auschwitz, sur le compte des Archives départementales des Alpes-Maritimes sur Dailymotion.

Le camp d’ Auschwitz I

La création du camp souche Auschwitz I est décidée par les SS en février 1940. Auschwitz I est essentiellement un camp de travail.

La création du camp souche Auschwitz I est décidée par les SS en février 1940 : c'est un camp de concentration et de travail forcé. Les premiers prisonniers sont des opposants politiques polonais. Le camp est prévu pour ceux que le régime nazi estime dangereux : prisonniers politiques, criminels, prostituées, homosexuels, Juifs. Lorsqu’Hitler décide l'extermination systématique des Juifs à grande échelle, Rudolf Höss, le responsable du camp, expérimente divers modes d'exécution. Le nombre de déportés augmente rapidement et il est chargé de « préparer à Auschwitz une installation destinée à l'extermination en masse ». Son approche du problème est technique et pragmatique. Les exécutions sont jusqu'ici menées à l'arme à feu, les déportés fusillés au bord de fosses communes qu'ils creusent eux-mêmes. D'autres prisonniers recouvrent les corps de chaux vive.

Les nazis, pour exterminer plus vite, décident d'employer un pesticide utilisé pour nettoyer les baraquements, le Zyklon B. Il est testé en septembre 1941 sur des prisonniers russes et des Juifs, puis son usage se généralise. Les SS utilisent alors dans le camp I un bâtiment comprenant une chambre à gaz et un crématoire composé de trois fours. Cette installation est mise en service entre 1941 et 1942 et est appelée K I (pour Krematorium I).

Auschwitz I est essentiellement un camp de travail. Les prisonniers valides doivent travailler, ceux qui sont malades ou blessés sont fusillés. Les prisonniers commencent la journée à 4 h 30 du matin (une heure plus tard en hiver) avec l'appel qui peut durer des heures : été comme hiver, les prisonniers doivent se maintenir en rang à l'extérieur des baraquements et y rester jusqu'à sept heures, heure à laquelle les officiers SS arrivent. Pendant ce temps, les gardes peuvent leur infliger des punitions, pour un bouton manquant, une gamelle mal nettoyée. Parfois ils sont contraints à rester une heure en position accroupie, les mains sur la tête ou recevoir des coups. Les détenus sont comptés et recomptés.

Après l'appel, les Kommandos se mettent en marche vers leur lieu de travail, par rangées de cinq, portant leur tenue de camp rayée, sans sous-vêtement, chaussés de sabots de bois mal adaptés à leurs pieds et sans chaussettes. Les Kapos ont la responsabilité des prisonniers tout comme l'escorte SS qui les accompagne. La journée de travail dure 12 heures en été et un peu moins en hiver. La majorité des tâches sont relatives à la construction du camp, aux travaux dans les gravières, dans les dépôts de bois, ou dans les usines d’armement. Aucune pause n'est accordée. Le dimanche n'est pas un jour de travail, mais les prisonniers ne se reposent pas pour autant. Ils doivent nettoyer les baraquements et prendre leur douche hebdomadaire. Les prisonniers ont le droit d’écrire, uniquement en allemand, à leur famille, ceux qui ne maîtrisent pas l'allemand peuvent se faire aider pour rédiger leur courrier. Les membres de la SS censurent le courrier sortant.

Un second appel est effectué le soir. Lorsqu'un prisonnier manque à l'appel, les autres doivent rester en place jusqu'à ce que la cause de cette absence soit identifiée, quelles que soient les conditions climatiques. Des punitions, collectives ou individuelles, sont infligées selon ce qui s'est produit durant la journée. Les prisonniers reçoivent alors leur ration d'eau et de pain. Le couvre-feu intervient deux ou trois heures plus tard. Les prisonniers dorment sur des banquettes de bois, sur leurs vêtements et chaussures pour éviter qu'ils ne leur soient volés.

De 800 à 1 000 détenus sont entassés sur ces banquettes de bois superposées dans chaque baraquement. Incapables de s'allonger complètement, ils dorment en long ou en travers, avec les pieds de l'un sur la tête de l'autre, le cou ou la poitrine. Dépouillés de toute dignité humaine, ils se frappent, se mordent, se donnent des coups de pieds pour grappiller quelques centimètres d'espace supplémentaire pour pouvoir dormir. L'hiver, une installation de chauffage rudimentaire parvient à maintenir une température limitant le nombre de décès par hypothermie. 

Le mur des exécutions et le bâtiment dédié aux expériences, 2009

Le camp d’Auschwitz II-Birkenau

Le rôle principal de Birkenau, défini dès fin 1941, est d'appliquer la Solution finale à la question juive, c’est-à-dire la mise à mort systématique et programmée des Juifs d’Europe, à l'échelle industrielle.

Birkenau devient Auschwitz II. Il comprend le centre de mise à mort ainsi qu'un gigantesque camp de travail forcé. C'est là que périssent plus d'un million de personnes, principalement des Juifs. 21 000 Tziganes y meurent également. Birkenau est situé à trois kilomètres d'Auschwitz, dans des marécages.

Il est construit à l'emplacement du village de Brzezinka (Birkenau en allemand) détruit pour construire le camp. Il s'étend sur une superficie de 170 hectares (720 mètres sur 2 340 mètres), entouré de 16 kilomètres de barbelés. Il comprend, dans sa configuration finale, quatre parties ou Lager : le camp des femmes, le camp des hommes, la partie réservée à l’extermination, et une extension jamais terminée, appelée « Mexico » qui est utilisée seulement l’été 1944 pour regrouper 7 000 femmes juives de Hongrie. L’extension est appelée ainsi car l’état rudimentaire de sa construction fait allusion à un pays en voie de développement.

Chacun des Lager est entouré de clôtures de barbelés électrifiés à haute tension. Au total, le complexe regroupe 300 baraques environ, tous usages confondus. Chaque baraque est équipée de deux cheminées en briques. Placées à chacune des extrémités du bâtiment leurs foyers sont reliés par un large conduit. Ce système de chauffage demeure l'un des vestiges d'origine encore visibles.

Le rôle principal de Birkenau, défini dès fin 1941, est ensuite d'appliquer la Solution finale à la question juive, c’est-à-dire la mise à mort systématique et programmée des Juifs d’Europe, à l'échelle industrielle. Dans ce but, c'est d'abord dans deux anciennes fermes situées à proximité du camp et transformées en chambres à gaz, nommées la maison rouge et la maison blanche (Bunker I et II), que meurent une partie importante des Juifs déportés de France. À partir de 1942, les nazis construisent ensuite à Birkenau, quatre complexes de chambres à gaz-crématoires (K II, K III, K IV et K V).

Les chambres à gaz peuvent recevoir près de 1 440 personnes pour les plus grandes et 768 personnes à la fois pour les plus petites. Camouflées en douches factices, les chambres à gaz laissent entrevoir des ouvertures sur le toit par lesquelles les boîtes de gaz Zyklon B sont déversées par les SS. La mort peut prendre entre 15 et 20 minutes. C'est la mission du Sonderkommando, choisi parmi les prisonniers. À la fin de la guerre, alors que les crématoires tournent à plein régime, les nazis tuent encore plus de victimes et brûlent les corps dans des fosses de crémation creusées à proximité du K V. La dispersion des cendres est effectuée dans les champs ou les lacs alentour.

Les détenus arrivent de toute l'Europe à Auschwitz-Birkenau en train, souvent après plusieurs journées passées dans des wagons à bestiaux. Certains meurent durant le voyage de soif, de faim, de maladie ou encore d'asphyxie. Depuis la France, le transport dure trois jours, depuis la Grèce certains convois mettent plus de sept jours pour arriver à destination. Pendant la plus grande partie de l'existence du camp, les déportés arrivent au niveau de l'ancienne gare de marchandise d'Auschwitz (la Judenrampe) et marchent environ un kilomètre jusqu'à Birkenau. La voie est prolongée au printemps 1944 pour terminer son trajet à l'intérieur de Birkenau, au plus près des dispositifs de gazage juste avant l'arrivée des Juifs hongrois. À peine sortis du train, les prisonniers subissent la Selektion. D'un côté, les faibles, les personnes âgées, les malades, les femmes enceintes, les enfants destinés à être gazés immédiatement. De l'autre, les adultes (en théorie à partir de 15 ans) les plus valides que les SS destinent à la mort par le travail forcé. À partir de décembre 1943, les détenus hommes sélectionnés pour le travail sont conduits au bâtiment dit « Zentral Sauna » où ils sont mis à nu, rasés, tatoués et dépossédés de leurs biens qu'on stocke dans des entrepôts appelés « Kanada » dans le jargon du camp. Il est nommé ainsi car pour les détenus qui y travaillent le Canada évoque un pays de richesse et de bien-être.

On leur distribue alors un uniforme rayé et des sabots en bois. Les objets personnels de valeur font l'objet d'une comptabilité précise établie par l'administration d'Auschwitz et sont ensuite envoyés, trimestriellement, en Allemagne.

Les survivants à ce premier tri sont regroupés dans le camp de quarantaine puis répartis en groupes de travail (Kommandos) et employés comme main-d'œuvre esclave dans le camp, ou dans des usines ou des fermes dépendant du camp.

Les toilettes du bâtiment de quarantaine des hommes, 2009

Auschwitz III (Monowitz) et les camps annexes

Le camp d’Auschwitz III et les camps annexes regroupent des travailleurs forcés qui travaillent pour l’industrie allemande.

Le gouvernement nazi travaille avec les industriels allemands (industrie chimique, armement…). Décidée au début de l'année 1941, la construction de l'usine IG Farben de caoutchouc synthétique à Monowitz, qui reste inachevée, fait appel de manière croissante à la main-d'œuvre concentrationnaire. La sous-alimentation, les conditions de travail inhumaines et le renvoi des inaptes à la chambre à gaz, y font entre 25 000 et 35 000 victimes.

Les camps annexes sont désignés sous les vocables d'Aussenlager (camp extérieur), de Nebenlager (sous-camp) ou d'Arbeitslager (camp de travail). Outre IG Farben, de nombreuses autres industries allemandes comme Krupp (métallurgie) et Siemens (appareils électriques) construisent des usines dotées de camps annexes. Autour du camp-souche d'Auschwitz I gravitent ainsi 45 camps satellites dont 28 servent l'industrie de l'armement. Les déportés sont employés dans différents secteurs d'activités. Ils se voient ainsi confier des travaux dans les mines, dans les fonderies ou d'autres industries métallurgiques, dans les industries chimiques ainsi que des travaux forestiers ou liés à l'agriculture. Certains travaillent pour l’industrie de l’armement. Les déportés ne sont pas rémunérés mais les SS louent leur main-d’œuvre aux industriels entre 1,5 et 4 marks la journée, alors que le prix de revient quotidien d’un déporté est de 0,3 à 0,7 mark.