Roure

Un habitat fortifié dénommé Roure est mentionné pour la première fois en 1067.

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Du lit de la Tinée (480 m) au Mont Gravières (2 331 m), l’étagement du vaste territoire de Roure (4 029 ha) favorisait une agriculture diversifiée, depuis l’olivier jusqu’aux pâturages d’altitude. Mais les fortes pentes, difficiles à travailler, connaissaient de fréquents éboulements.

Un habitat fortifié est mentionné pour la première fois en 1067 et une partie du village se développa près du château (déman¬telé en 1621) et de l’église.

L’autre cœur du village était la place du Torch, à la croisée des chemins menant à Saint-Sauveur (et au-delà à Nice), à Isola et Saint-Étienne, à Roubion et à la haute vallée du Var. Jusqu’aux années 1880, Roure était un point de passage obligé, un carrefour actif sur ce réseau de chemins muletiers qu’emprun-taient hommes, animaux et marchandises. Depuis l’Antiquité, les cheminements évi¬taient les fonds de vallée.

Outre des alpages étendus et renommés (Longon), Roure comptait des campagnes prospères (Tiecs, Puge, La Cerise, Rougios), d’altitudes différentes, aux activités complémentaires. Mais la communauté dut sans cesse se mobiliser pour l’entretien des chemins et de la vacherie communale, notamment.

En 1828, le « rôle du bétail » dénombrait 95 éleveurs, 282 vaches, 2 600 moutons et 298 chèvres. En 1838, on recensait 646 habitants, dont 74 à Valabres. D’accès difficile, ce hameau très ancien constituait une paroisse distincte, possédant en propre église, cimetière, four à pain, moulin, école, monument aux morts...

Son terroir bien pourvu (terres cultivables, pâturages, bois) a longtemps permis la présence d’une dizaine de familles, au prix d’un travail acharné...

Après 1880, alors que le village développait ses équipements (canal d’arrosage, nouveau moulin, fontaines...), il se trouva doublement isolé. Les nouvelles routes de fond de vallées captaient les flux d’hommes et de marchandises tandis que les autorités refusaient le raccordement du village au réseau routier (réalisé seulement en 1939).

Église paroissiale Saint-Laurent

Cette église est formée de deux parties, d’époques et de styles différents.

De l’église romane (XIe-XIVe), il ne reste que le clocher-porche qui constituait alors la façade de l’église. Le portail, formé d’un arc en blocs de tuf soigneusement appareillés (comme les chaînages d’angle et la partie supérieure du clocher), était la porte d’entrée de l’église médiévale et permettait d’accéder à la nef située en contrebas.

Le clocher conserve une cloche du XVe siècle. Les deux autres datent des années 1720.

La nef romane a été presque entièrement démolie au XVIIe pour construire la nef actuelle. Le clocher roman a failli subir le même sort en 1885, seulement sauvé par le manque d’argent pour construire le nouveau clocher projeté.

L’orientation de la nouvelle église a été inversée. Selon l’usage de l’Occident chrétien au Moyen Âge, l’autel de l’église romane, situé à l’Est, indiquait la direction de Jérusalem. Depuis le XVIIe, l’entrée, par la nouvelle façade de style baroque, se trouve à l’Est, à l’opposé du clocher et l’autel se trouve à l’Ouest.

La nef du XVIIe présente les caractéristiques de l’époque baroque : plan rectangulaire, un seul vaisseau scandé par trois travées

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L’intérieur de l’église Saint-Laurent

Saint Laurent fut l’un des martyrs les plus populaires de la chrétienté. Considéré comme le patron des pauvres auxquels il avait, avant son supplice sur un gril, distribué les richesses de l’Église de Rome, il était réputé guérir les brûlures et prévenir les incendies.

Les deux polyptyques, celui de Saint-Laurent, au maître-autel, œuvre probable d’un artiste ligure en 1510 (Andrea da Cella), et celui de l’Assomption, à gauche en entrant, attribué à l’atelier de François Brea vers 1560, ainsi que le tableau (1634) de Jean Rocca (à droite en entrant) décoraient déjà la nef romane.
Ils témoignent du courant des « Primitifs niçois », à la jonction entre la fin de la peinture gothique et le début de la peinture de la Renaissance.

L’église conserve de remarquables boiseries en noyer des XVIIe et XVIIIe siècles : les colonnades du maître-autel, les tabernacles, la chaire à prêcher.

La consécration à la Vierge de deux chapelles latérales montre l’importance du culte marial pour la population du village. Le dôme de procession en bois sculpté, visible à l’entrée, abritait sa statue lors de la fête patronale qui, pendant des siècles, s’est déroulée le jour de sa Nativité, le 9 septembre.

 

Chapelle Saint-Sébastien-et-Saint-Bernard, XVe siècle

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Elle fut construite sur le chemin de Roubion, probablement en 1481. Suite à de terribles épidémies de peste, les communautés d’habitants tentaient alors de se protéger en édifiant, à l’entrée des villages, des chapelles dédiées à des saints anti-pesteux. La chapelle Saint-Sébastien est l’une de ces « défenses avancées contre la peste ».

De petites dimensions, sa façade est précédée d’un large auvent. La grille en bois qui en fermait l’accès a été remplacée par une cloison. L’intérieur a reçu un riche décor peint qu’une inscription attribue à Andrea da Cella en 1510.

Au centre du chevet, saint Bernard de Menthon, entouré d’un décor Renaissance, bénit et tient un démon enchaîné. Le côté droit présente la vie du saint, protecteur des voyageurs dans les montagnes, en cinq panneaux d’une très grande finesse.

Le côté gauche retrace la vie de saint Sébastien, mais le dernier panneau a été en partie détruit par une niche. La partie inférieure représente des damnés en route vers l’enfer. La tradition explique cette « Frise des Vices » moralisatrice par un fait divers local, l’adultère commis par une épouse avec le curé du village, en 1427

Une architecture minérale

Les maisons forment une ligne continue d’habitations appuyées à la montagne.
Elles superposent sur quatre ou cinq niveaux, pièces d’habitation et locaux liés à l’exploitation agricole : écurie (pour l’âne ou le mulet), porcherie, salle commune, chambres, grenier de séchage et de conservation des aliments. L’essentiel des bâtiments agricoles, constitués de granges, se trouve à l’extérieur du village.

La particularité du mode de construction est l’utilisation de matériaux locaux extraits à proximité. Les murs sont faits de pierres de couleur rouge, des pélites du Permien, assemblées à la chaux, et les toits sont en lauzes du pays, que les habitants préféraient aux bardeaux de mélèzes. Les lauzes nécessitaient des charpentes extrêmement solides, capables de supporter au moins 250 kg au mètre carré, mais à Roure les ressources forestières sont abondantes.

Le village a conservé son réseau initial de rues de la largeur d’un chemin muletier, impropres donc, aujourd’hui, à la circulation automobile. La route qui aboutit à la place de l’église est de construction récente (années 1930).

 

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Four communal

Le 15 brumaire an IX (6 novembre 1800), le Conseil municipal décida la destruction du four communal, près de l’église, qui nécessitait de « coûteuses réparations » et « n’était point à portée de tous les habitants, étant à l’extrémité du village ». Un nouveau fut construit (coût : 254 F.), « dans la cave de la maison commune, au milieu du village », à l’emplacement actuel.

Bien communal, le four était adjugé chaque année (moyennant 200 F. en 1809) à un « fournier » qui « s’engage à faire cuire le pain à tous les habitants... et percevra un pain sur 40 ». Les familles préparaient le pain et fournissaient le bois, transporté par le fournier. Chaque jour, le fournier cuisait le pain (pour plusieurs semaines) de 2 ou 3 familles. Selon la place disponible, il cuisait gratuitement les plats apportés par les habitants, « sauf pour les jours des 7 et 8 septembre », fête patronale, où une redevance par plat était demandée.

Aujourd’hui, le four communal fonctionne chaque week-end, grâce au dévouement du sympathique boulanger du village.

 

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Chapelle Sainte-Anne, début XIXe siècle

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La chapelle Sainte-Anne se trouve sur le hameau de Tiecs, au cœur d’une châtaigneraie.
On peut situer sa construction au début du XIXe siècle.

Cette chapelle montre la vigueur des traditions dans la communauté rouroise.

Fin juillet, la messe à Sainte-Anne, suivie d’un pique-nique en commun à l’ombre des châtaigniers, reste, encore aujourd’hui, un temps fort de la convivialité villageoise.

En 1899, une importante restauration de la chapelle, financée par souscription, a donné lieu à des fêtes mémorables.

En 2011, des bénévoles ont entièrement refait la toiture.
À un quart d’heure de marche, se trouve le menhir de Tiecs.

Fontaine-lavoir

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L’approvisionnement en eau a constamment préoccupé la communauté.

Cette fontaine-lavoir à la triple voûte de pierres, hourdées à la chaux, est surmontée d’une terrasse pour étendre le linge. Sa construction témoigne des nouvelles priorités « hygiénistes » de l’époque (1888), soucieuses de prévenir les épidémies.

Sur ce site, un précédent bassin « pour laver la lessive », « avec un arc au-dessus de la longueur de 24 pans (6,3 m) », est déjà attestée en 1811 (le village ne possédait alors que deux fontaines).

Machinerie du câble transporteur

En 1913, délaissé par le nouveau réseau routier de fond de vallée, Roure n’était plus traversé ni par les voyageurs, ni par les marchandises.

Parallèlement, une nouvelle énergie, l’hydroélectricité, bouleversait les transports. La ligne de tramway électrique qui atteint Saint-Sauveur en 1911, mettait Nice et la zone littorale à 3 heures de route (contre 5 jours en 1800) et ouvrait de nouveaux débouchés aux productions agro-pastorales.

Projeté dès 1913 par 63 propriétaires rourois, un « câble transporteur », long de 1 800 mètres, reliant Roure (1 082 m) à Saint-Sauveur (498 m), a fonctionné de 1927 à 1962. Un moteur électrique entraînait une benne descendante et une montante, de 450 kg de capacité. Pour un temps de transport 9 fois plus rapide, le coût était divisé par 3.

En 1925, le trafic annuel était évalué à 460 tonnes, dont, « à la descente » : 20 de pommes de terre, 25 de châtaignes et 80 de lait. Pendant 35 ans, le « câble » fut un pôle majeur de l’économie et de la vie du village, attirant petits et grands, au moment du « service » quotidien.

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