Route du Baroque

Sainte Réparate

1650-1685. Plongé dans un tissu urbain très dense, l’édifice ne se livre que fragmentairement. Seule une vue depuis le château ou une vue aérienne permettent de restituer le plan de la cathédrale : une croix latine avec une coupole à la croisée du transept.

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La cathédrale Sainte-Réparate

La façade développe deux niveaux d’élévation avec une superposition d’ordres, composite puis corinthien. Originellement, son aspect était plus sévère. Le crépi était sans doute “bigio d’olio di Noce”, gris huile de noix. Jean-André Guibert, l’architecte chargé des travaux, choisit d’inscrire l’édifice dans une filiation au baroque romain. Le principal “modèle” de la cathédrale est l’église Sainte-Suzanne  à Rome, de Carlo Maderna.

La scansion principale du schéma de composition de la façade est la division en trois travées (rythme ternaire). Deux travées latérales, simplement délimitées par des pilastres, encadrent une travée centrale dans laquelle s’ouvre le porche souligné d’un fronton à enroulements. Les travées latérales correspondent aux collatéraux à l’intérieur de la cathédrale. Le premier niveau est séparé du second par un large entablement à corniche saillante qui porte la dédicace de l’édifice, insistant en cela sur une filiation avec l’architecture romaine et introduisant ce motif architectural comme une séparation entre le terrestre et le céleste dans tout l’édifice.

Le second niveau constitue une variation du premier. Il reprend les rythmes mais marque une volonté d’allégement, notamment dans le rétrécissement des pilastres. Un fronton classique coiffe l’élévation. Il sert de base à d’élégants pots à feu situés à l’aplomb des pilastres. Les rampants du fronton reprennent les lignes directrices verticales par des ressauts. Le décor de la façade est achevé sous la Restauration. Les sculptures représentant les saints niçois alors mises en place, confèrent à l’ensemble une tonalité plus dramatique et théâtrale.

L’essentiel du goût baroque se joue dans la façon dont la façade utilise la lumière. Les niches, les baies, les surplombs des corniches créent de profondes trouées d’ombre qui contrastent avec les plages lumineuses des pilastres et du fronton. L’architecture joue avec la lumière créant une progression qui conduit le regard de la terre vers le ciel, de l’ombre vers la clarté, du profane vers le sacré.

Malheureusement gâté par l’enchevêtrement des toits et l’ajout du campanile (1731-1757), le dôme et son tambour viennent compléter et tempérer l’édifice. La complémentarité est symbolique. Le dôme, dans sa forme hémisphérique, évoque la perfection et l’infinitude du cercle, forme divine par excellence. Il vient coiffer une construction quadrangulaire, le carré évoquant la pierre, base sur laquelle on construit l’église, la foi. Le tambour est utilisé comme un élément de contraste vis-à-vis de la façade. Beaucoup plus classique, il affirme une sérénité organisée par les articulations architecturales : baies et pilastres qui créent un espace lumineux. Les oppositions de matières et de coloris entre le tambour de pierre blonde que surmontent un dôme à écailles polychromes et l’humble couverture de tuiles de la nef et du transept, insistent encore sur la dimension symbolique de l’édifice. Le clair-obscur de la façade reflète la recherche humaine de la lumière divine. L’articulation du carré vers le cercle traduit le passage du profane vers le sacré.
La gradation chromatique exprime la joie de la rencontre de l’amour divin.

L’organisation interne reprend ces thèmes. Guibert fait succéder à la nef de quatre travées flanquée de collatéraux, un transept profond ayant sa croisée couverte d’une coupole circulaire, puis un choeur de deux travées à chevet pentagonal.

Des chapelles latérales destinées à l’accueil de dévotions particulières s’ouvrent sur les collatéraux. Ce schéma général d’organisation dérive directement de l’église du Gesù à Rome, édifice fondateur de l’architecture de la Contre-Réforme.

L’ensemble de la nef est voûté en berceau à pénétrations, permettant l’insertion des fenêtres hautes, rythmé par de larges arcs doubleaux situés dans le prolongement des piliers des grandes arcades. Le choeur, lui, est couvert de deux voûtes d’arêtes séparées par un doubleau médian. Cette différenciation dans le mode de voûtement des deux parties prépondérantes de l’édifice marque une volonté scénographique et symbolique corroborée par les éléments décoratifs.

Dans la nef se tiennent les fidèles, dans le choeur les religieux. Le choeur est l’espace le plus sacré. En rétrécissant l’espace, on crée une intimité, un rapport de proximité. Pour établir nettement la césure entre les deux espaces, l’architecte a utilisé un arc triomphal qui repose sur deux piliers massifs beaucoup plus larges que ceux de la nef et qui se détachent des élévations latérales par une nette surcharge décorative. Cette articulation se voit encore renforcée par la disposition en biais des piles orthogonales de la croisée du transept.

La relative simplicité de la décoration de la nef surprend. L’uniformité du traitement de la partie basse, les grandes arcades, peuvent être considérées comme un parti pris décoratif. Ce niveau correspond à notre monde, il doit donc être moins richement décoré que les parties hautes de l’église qui représentent le ciel. Toute l’articulation du décor s’appuie sur la richesse de l’entablement qui court au-dessus des grandes arcades et se déroule sur tout le pourtour du bâtiment. Il développe son iconographie autour d’un thème unique: la Maison de Savoie. Les rinceaux de feuillage sont régulièrement interrompus (à l’extrados des arcs) par des cartouches où s’inscrivent les initiales des princes de Savoie. L’espace du transept s’organise essentiellement sur l’aspiration provoquée par la coupole.

Le décor assagi et la dilatation de l’espace préparent le fidèle à la proximité du divin générée par le choeur. L’architecte joue avec la confrontation de deux échelles : la petitesse humaine et la magnificence de l’espace de la coupole. Sur les pendentifs sont représentés les quatre évangélistes identifiables grâce au tétramorphe (leurs animaux symboles) : le lion pour Marc, l’ange pour Mathieu, le taureau pour Luc et l’aigle pour Jean.
Immédiatement après, l’espace du choeur se contracte. Les murs se resserrent. Le rythme se voit accéléré par les cinq pans du chevet scandés par des pilastres. Chacun des murs reçoit un encadrement traité en loge de théâtre où l’on peut admirer cinq oeuvres représentant les cinq saints fondateurs de l’église de Nice, reprenant ainsi la thématique annoncée en façade.

Le maître-autel (1685) est surmonté d’une toile dédiée à sainte Réparate. L’entablement reprend le principe de celui de la nef égrenant les initiales de ducs de Savoie plus étroitement liés à l’histoire de Nice. Les deux collatéraux qui bordent la nef se décomposent chacun en quatre chapelles latérales, une chapelle de transept et une absidiole bordant le choeur. Chaque chapelle a été vendue soit à des particuliers, soit à des corporations de métiers. Chaque propriétaire avait à sa charge l’entretien et la décoration en harmonie avec l’ensemble de l’édifice.

Les chapelles

Chapelle de-la Madone-des-Sept-Douleurs

(Première chapelle dans le bas-côté droit en entrant dans la cathédrale)

Ce serait la dernière a avoir été aménagée (vers 1750). Elle présentait sur les murs latéraux deux tableaux représentant les saints propagateurs du culte de la Madone de Pietà qui ne sont plus visibles parce que déposés. Seul demeure, au-dessus de l’autel, un groupe sculpté de bois polychrome représentant une pietà.

Chapelle de la Crucifixion

(Deuxième chapelle dans le bas-côté droit)

Elle fut aménagée par la famille des Masini, seigneurs de Châteauneuf aux environs de 1679. Tout son décor s’organise autour du thème annoncé par le décor d’autel : la Crucifixion. Le crucifix est posé sur une toile de fond représentant la Vierge, saint Jean et sainte Marie-Madeleine. Cette juxtaposition de deux techniques artistiques est propre au baroque pour lequel les arts doivent coexister, se mêler pour la plus grande gloire de Dieu. C’est donc cette travée médiane qui articule toute la composition. La voûte présente en conséquence un décor stuqué qui encadre des toiles marouflées (collées sur le mur) racontant des épisodes de la Passion du Christ : le Portement de Croix, Jésus au jardin de Géthsémani et un Couronnement d’épines.

Chapelle Sainte-Rose-de-Lima

(Troisième chapelle dans le bas-côté droit)

Aménagée à partir de 1685, elle fut la chapelle particulière des Dettati-Doria, puis des Roissard de Bellet, puis chapelle corporative des métiers du fer dédiée à saint Éloi, puis chapelle de Sainte-Philomène. C’est cette multiplicité de propriétaires qui justifie une stratification décorative impressionnante. Les deux toiles des parois latérales attestent du culte dédié à sainte Rose de Lima. La toile d’autel, réalisée par Bernardin Baldoino, montre saint Éloi entouré de saint Jean-Baptiste (à gauche) et saint André (à droite), saint Antoine de Padoue (en haut à gauche) et saint Bernardin de Sienne (en haut à droite), protecteurs de la corporation des métiers du fer. Les noms inscrits aux pieds de saint Éloi sont sans doute ceux des prieurs de la corporation qui commandèrent le tableau. Les fresques de la voûte d’origine furent remaniées au XIXe siècle afin de dédier l’ensemble à sainte Philomène.

Chapelle des Saints-Alexandre et Barthélémy

(Quatrième chapelle du bas-côté droit)

Elle fut aménagée par la famille des Rossi vers 1650 mais fut presque entièrement détruite
par un incendie en 1989. Il ne subsiste aujourd’hui que les fresques de la voûte qui semblent décrire différents épisodes du martyre de saint Alexandre.

Chapelle du Saint-Sacrement

(chapelle du croisillon droit du transept)

Initialement, c’était la chapelle dédiée à sainte Rosalie, aujourd’hui située dans le croisillon gauche. Les deux chapelles permutèrent en 1699, sur une demande de la municipalité. Des inscriptions au-dessus des portes latérales rappellent cet épisode. L’ensemble des stucs a été réalisé par le Lombard Jean-Pierre Riva en 1656. Le tableau du maître-autel représente "la gloire de la foi catholique dans l’eucharistie". On peut remarquer au centre de l’autel, l’image du pélican nourrissant ses petits de son sang, image que l’on retrouve encore sur la porte du tabernacle. C’est la représentation symbolique de la Charité chrétienne. La frise de la chapelle est également ornée de symboles liés à l’eucharistie, notamment le calice et l’hostie. Le motif solaire symbolise la présence divine sur terre. La toile de gauche représente "Moïse refermant les eaux sur l’armée égyptienne" ; celle de droite "Aaron et l’Arche d’alliance". Abside droite du choeur Elle fut ouverte en 1900-1903 et abrite la maîtrise de la cathédrale. Abside gauche du choeur Elle fut également ouverte en 1900-1903 et contient les sépultures de divers évêques.

Chapelle de Sainte-Rosalie et de la Vierge

(Chapelle du croisillon gauche)

C’est initialement une chapelle votive érigée par la municipalité pour grâces rendues à l’occasion de la terrible peste de 1631. L’actuelle construction fut achevée en 1655 et décorée par Riva. Toute la thématique décorative de la chapelle porte sur la Vierge et l’épidémie de peste de 1631. Au-dessus de l’autel, la statue de bois polychrome représentant la Vierge est encadrée par une toile représentant, à gauche, sainte Rosalie, et à droite saint Roch, protecteurs contre la peste. La frise porte des figures symboliques liées à la Vierge : étoile du matin, arche d’alliance, porte du ciel, miroir de justice, alternées avec l’aigle des armes de Nice.

Chapelle Saint-Joseph

(Quatrième chapelle du bas-côté gauche)

Aménagée en 1652 par les frères Turati, elle se substitue à une autre chapelle du Saint-Sacrement. Au centre de l’autel, un aigle et trois étoiles d’or sur fond bleu représentent les armes des propriétaires. Les tableaux latéraux, à droite saint Louis de France et saint Charles-Borromée, à gauche saint André et saint Pierre sont les derniers témoins de la première dédicace de la chapelle. Le tableau central, oeuvre du peintre niçois Biscarra (XIX e siècle) représente la mort de saint Joseph.

La Chapelle Sainte-Réparate

(Troisième chapelle du bas-côté gauche)

Construite pour la famille Torrini de Fougassières à qui elle servit de sépulture, elle reproduit le schéma de la chapelle Saint- Joseph. Les armes de la famille Torrini (une tour surmontée d’une étoile, l’écu étant sommé d’une tour comtale) sont visibles au sommet de chaque colonne du retable central et dans l’angle inférieur droit du tableau. La thématique générale de la chapelle est axée sur le martyre de sainte Réparate, dont le corps serait arrivé miraculeusement à Nice dans une barque tirée par des anges. C’est une des explications légendaires du nom de Baies des Anges.

Chapelle des Quatre-Martyrs-Couronnés

(Deuxième chapelle du bas-côté gauche)

C’est la chapelle de la corporation des maçons depuis 1681. Les Quatre-Martyrs-Couronnés : Claude, Nicostrate, Symphorien et Castor ont été exécutés pour avoir refusé de sculpter une statue d’Esculape.

C’est pourquoi la corporation des maçons et autres métiers de la pierre les ont choisis comme saints-patrons.

L’inscription lisible dans le cartouche soutenu par des anges, en haut à gauche du tableau, donne les noms de Second, Séverin, Carpophore et Victorin, laissant supposer une confusion entre deux groupes de quatre martyrs couronnés. Les tableaux du centre et celui de gauche évoquent les martyrs. Leur intérêt réside dans le détail des outils reproduits : truelle, niveau, équerre, fil à plomb, etc., que l’on retrouve tout au long de la voûte. Ils forment un intéressant document sur l’outillage de l’époque.

Chapelle de Saint-Jean-Baptiste

(Première chapelle du bas-côté gauche)

Fonds baptismaux : Il s’agit d’une création beaucoup plus récente. Se dressait avant elle une chapelle des Pénitents Noirs dédiée à la Vierge de Miséricorde.