Des chemins du département

Description du réseau routier départemental avec la route d’Italie, la route de France, les routes départementales et vicinales.

NOTE : Nous offrons aux internautes la possibilité de découvrir ce texte inédit transcrit dans sa forme originelle et avec l'orthographe de l'époque.

Des chemins du département

On peut croire, avec fondement, que si l’esprit des habitans des Alpes-Maritimes a été jusqu’ici peu occupé des objets d’industrie, c’est que l’état des routes tant publiques que communales, a été de tout tems peu propre à favoriser le commerce. Encore avant la guerre étaient-elles peut être plus praticables et les réparait-on quelque fois ; mais depuis 10 à 12 ans, on n’y a rien fait, et elles ont subi le sort des forêts et des campagnes, par l’action des causes dont il a été parlé aux chapitres précédents.

D’abord, excepté la grande route de Tende, rendue carrossable depuis 50 a 60 ans, il n’y a aucun chemin dans le département où les voitures puissent aller, ce qui a été reconnu, dès long-temps un des plus grands obstacles à l’activité du commerce. Les rivières et les torrents ont emporté les chemins qui étaient jadis à leurs niveaux.

Ceux qui sont pratiqués sur les flancs des montagnes sont devenus des sentiers si étroits qu’à peine y a-t-il de la place pour un homme de front ; dans le tems des pluies, de la fonte des neiges, ou lorsque le tems est humide, des éboulements continuels menacent la tête du voyageur ; on ne peut s’imaginer rien de plus horrible que le sentier appelé Grand Chemin tracé du dessus du Var, dans la vallée de ce nom, pour aller du Villars au Puget, et dans la vallée de la Tinée, depuis San Salvador jusqu’à Saint Ethienne. Au bas d’un précipice affreux, la rivière, coulant avec grand bruit ; sur le haut des pierres prêtes à tomber ; au milieu, un sentier souvent effacé, sur un terrain mouvant, et nul abris en cas d’accident ; les muletiers sont obligés de s’avertir au loin, pour ne pas se rencontrer sur le même passage. Ajoutons, que par défaut de pont, lorsqu’il a plu, on est arrêté par un torrent ou par une rivière ; les bêtes à laines menées aux foires sont forcées de rétrograder, et je ne dis ici que ce que j’ai vu, je n’ai même pu retracer qu’une faible partie de l’horreur que j’ai éprouvée sur ces sortes de chemins.

Cependant, ce pays placé entre la Ligurie, le Piémont, les départements des basses Alpes et du Var, est fait pour commercer. Le vœu unanime de ses habitans vers le gouvernement français est d’en obtenir des chemins desquels quelques communes, comme Utelle, avaient déjà commencé à être favorisés par le roi sarde.

En décrivant donc ici les routes du département, j’indiquerai celle qu’il serait avantageux de perfectionner, celle qu’il conviendrait de construire, et les principales réparations que toutes, en général, exigent.

Nous diviserons ces routes, en routes d’Italie et de France, routes départementales, et routes vicinales.

La grande route d’Italie commence au pont du Var appelé Saint-Laurent, et suivant le rivage de la mer de l’ouest à l’est, va aboutir à la ville de Nice en traversant d’abord le premier de ses faux-bourgs, appelé la Croix de Marbre ; longueur une heure et demie : ce chemin est large, uni et ordinairement bien entretenue. Il lui manque des ombrages, surtout du coté de la mer, et l’on pourrait y planter tout le long de part et d’autre une rangée de mûriers qui réuniraient à la fois l’utile et l’agréable. Un point plus essentiel encore est de construire le pont du Var d’une manière solide ; ce pont qui est en bois, est aujourd’hui en si mauvais état que non seulement les voitures, mais encore les chevaux ne peuvent y passer, et lorsque le Var sera gros la communication sera totalement interceptée.

A la place République, (la plus belle de Nice) la route d’Italie se divise en deux branches, une dirigée du sud au nord, et conduisant en Piémont, l’autre dirigée de l’ouest à l’est, et conduisant dans la Ligurie.

La route de Piémont, comme menant à l’ancienne capitale des rois de Sardaigne, avait eu toute la faveur de ces princes, et avait été rendue carrossable jusqu’au col de Tende ; au milieu des rochers taillés à grand frais et au grand regret des habitans des villages qui sont sur la route, dont la profession la plus lucrative était celle de muletier ; cette route coûte nécessairement beaucoup d’entretien, à cause des murs de soutènement qui protègent contre les éboulements et contre les rivières négligées depuis la guerre. Elle est aujourd’hui en fort mauvais état et les voitures n’y passent qu’avec la plus grande peine. De Nice on va à Drap, tout en plaine ; distance une heure et demie ; dans ce cours trajet, on peut être arrêté par les eaux de Paglion et du torrent de la Trinité, lorsqu’elles sont fortes, parce qu’on passe aujourd’hui dans leur lit, le chemin ayant été rongé à ne plus permettre le passage autrement.

De Drap, on va à la Scaréna, distance, trois heures et demie ; on passe sur un beau pont, appellé pont de Peglia qui n’était pas fini, à l’entrée des troupes, et qui est resté tel et quel, se dégradant journellement et méritant d’être achevé ; de ce point, on commence à monter la montagne de la Scaréna, par un nombre de tours et de détours, et on la descend pour tomber au village.

De la Scaréna on va à Sospello ; distance cinq heures ; on passe d’abord le pont de l’eau de Lucéram, puis allant en plaine, on trouve au bout de demi-heure, le village de Thouet-Scaréna ; il y a encore un peu de plaine après laquelle on monte et on descend la fameuse montagne de Brou. Par un grand nombre de circuits où le chemin est aujourd’hui très mauvais. On arrive à la plaine de Sospello où l’on passe la Bévera sur un pont.

De Sospello on va à Giandola, hameau de Breglio, distance quatre heures ; après environ une demie heure de plaine, on monte et on descend par un assez mauvais chemin, la montagne de Brouis, au bas de laquelle est la plaine de Breglio.

De Giandola on va à Fontan, hameau de Saorgio, distance trois heures, on passe trois fois sur des ponts de bois la rivière Roya. Le chemin est en plaine, mais il enfile les gorges de Saorgio, où l’on se trouve entre deux rochers taillés à pic et la rivière. A cet endroit, on n’est pas en sûreté dans le tems des averses, parce que la rivière extrêmement resserrée venant à déborder, on risque d’en être emporté, sans avoir aucun refuge ni en avant, ni en arrière, ni sur les cotés ; un pareil malheur arriva en l’an V à une demie brigade, la 7ème légère, dont une partie fut noyée avec les équipages.

De Fontan on va à Tende, en suivant toujours la Roya ; distance trois heures. On monte mais insensiblement. Le chemin est très dégradé par la rivière parce qu’on a négligé d’en réparer la chaussée ; avant d’arriver à Tende, on passe la Roya sur deux ponts.

De Tende, on va à La Ca ; distance deux heures et demies et de La Ca au sommet de la montagne, distance deux heures, d’où l’on descend pour aller à Limon (Piémont). La Ca était, avant la guerre, une grande auberge où les voyageurs pouvaient s’arrêter lorsqu’il y avait du danger à passer la montagne ; elle est aujourd’hui détruite, et il est bien intéressant pour cette route très fréquentée qu’on y établisse un hospice de religieux, semblable à ceux qu’il y a sur le mont Cenis, le grand Saint-Bernard et le Sainplont ; l’emplacement très vaste de La Ca pourrait servir à cet usage, avec quelques ampliations qu’on y ferait.

Le passage actuel du col de Tende est très difficile pour les voitures ; la plupart ont besoin d’être démontées et transportées à dos de mulets ; on peut cependant y remédier, en raccommodant le chemin. C’est un profit pour les habitants de Tende, qui se chargent du transport des voyageurs ; de Tende à Limon, il en coûte 5 francs pour un mulet et 30 francs pour une chaise à porteur à laquelle sont employés six hommes.

Route de la Ligurie

Longueur du chemin de Nice au sommet du col de Tende 24 heures et demies.
La grande route qui conduit à Gênes est très loin d’être carrossable car à peine est-elle propre pour les montures. De Nice, on monte le col de Villefranche, du sommet duquel on prend à gauche, sur les flancs de la montagne appelée Mont-Gros, d’où l’on arrive à Eze, commune bâtie sur un rocher perpendiculaire à la mer, à 9 heures de distance de Nice ; les montées et les descentes de chemin sont très rapides, et coutent beaucoup de frais d’entretient parce qu’on est obligé de les paver, à cause des eaux de pluies qui les dégradent tous les ans.

D’Eze, on va à La Turbie ; distance, une heure ; même chemin.

De La Turbie on va à Menton, laissant Monaco, sur la droite ; distance, trois heures. De Monaco à Menton il y avait autrefois un chemin carrossable, entretenu par le prince de Monaco mais comme il ne portait pas sur une chaussée, il a été entièrement détruit, depuis la guerre et se trouve en très mauvais état, même pour les gens de pied ; presque impraticable dans les tems de pluie.

De Menton on va à Vintimigle, distance, trois heures. Un quart d’heure après avoir passé Menton le chemin est sur le territoire ligurien, le long de la mer, et devient de plus en plus mauvais ; en passant au milieu de deux ou trois hameaux liguriens qu’il y a sur cette route, on est en doute si l’on n’est pas plutôt dans un mauvais sentier, qui suit un grand chemin, tant on se trouve resserré de part et d’autre et dans de mauvais pas, même pénibles pour des piétons.

De Vintimigle on passe la Roya sur un pont et on marche encore trois quart d’heure, sur un chemin uni pour aller chercher la Nervia, sur laquelle il n’y a point de pont et qu’il faut guaier, chose impraticable dans le tems des pluies ou de la fonte des neiges ce qui interrompt pour lors tout passage.

Je m’arrête ici parce que la grande route que je décris est commune jusqu’à la rive gauche de la Nervia à la France et à la Ligurie. Les habitants de la vallée de Nervia étant obligés d’y passer pour remonter la rive gauche de cette rivière et aller dans leurs communes enclavées comme je l’ai déjà dit dans le territoire ligurien depuis la Nervia, le chemin est entièrement à la Ligurie.

Totalité de longueur de cette route neuf heures et trois quart mais il est évident que c’est contre les intérêts des deux nations de ne pas rendre carrossables une route aussi importante. Il est même impossible que cela n’ait pas lieu tôt ou tard ; il faudrait alors abandonner la montagne et prendre le chemin le long de la mer en le commençant depuis la pointe de rocher qui sépare Nice et Villefranche. On sera obligé il est vrai à le tailler dans le vif non seulement à cette pointe mais encore depuis le terroir d’Eze jusqu’à Monaco dans l’étendue d’environ une heure mais cette dépense une fois faite la route couterait fort peu d’entretien et les frais de construction seraient bientôt compensés au bout de quelques années par ceux que coûte annuellement la route actuelle. Elle abrégerait les distances ; elle serait route exemplaire et moins exposée aux brigands qui infectent de tems en tems celle d’aujourd’hui.

En attendant il convient de replanter sur la route de Menton les meuriers nombreux qu’il y avait avant la guerre et dont l’ombrage fait autant de faute aux voyageurs que les produits copieux qu’en retiraient autrefois les habitants de cette contrée.

Route des Basses Alpes

La route qui de Nice conduit à l’arrondissement de Puget-Théniers mène également dans les départements du Var et des Basses Alpes. Nice est le port de mer et la ville la plus peuplée et la plus à portée d’un grand nombre de communes montagneuses de ces départements. De tout tems, les relations commerciales en blé, huile, bestiaux, draps, laines et cuirs ont existé entre ces communes et l’arrondissement de Puget-Théniers. Combien plus vives ne seraient-elles pas à l’avantage non seulement des Alpes Maritimes mais encore de ces départements voisins s’il y avait des routes faites et praticables en tout tems. C’est malheureusement ce qui n’est pas et ce qui met le comble à la misère des communes sises entre le Var et l’Estéron parce que pauvres par la stérilité du sol elles le sont encore parce que rien n’y favorise l’industrie.

La route de Nice au Puget-Théniers suit le long du Var jusqu’à Saint-Martin et est assez facile, distance quatre heures. A Saint-Martin il faut passer la rivière sur le bac ou la guaier comme il été dit à l’article du Var, de Saint-Martin on va à Gillette par un chemin montueux et pénible, distance deux heures. A Gillette la route se sépare en deux, une qui conduit à Pierrefeu, Cuebris, Roquesteron et Sigale, et l’autre qui est une continuation de la première et qui se dirige vers le Pujet.

La route de Roque-Esteron conduit dans le département du Var et dans celui des Basses Alpes, mais elle est affreuse et peut à peine servir pour des gens à pieds. Il serait très possible de pratiquer un chemin même roulier le long de l’Esteron sur la rive gauche lequel prendrait son origine au Var soit au pont Saint-Laurent, soit à Saint-Martin. Il en résulterait une communication très étendue avec le département du Var et surtout avec celui des Basses Alpes et un commerce bien nourri dans celui des Alpes Maritimes.

De Gillette la route conduit à Revest, distance une heure ; de Revest à Todon, distance 3 heures. De cette dernière commune par un chemin qui traversant le col de Vial le rend à Malaussene sur le bord du Var et est extrêmement commode pour les habitants de la vallée du Var et des rives voisines de la Tinée pour se rendre à Nice. De Todon, la route conduit à Scros d’où part également un mauvais chemin qui conduit à Roque Esteron et dans le département du Var, distance une heure. De Scros la route traversant la chaine de montagnes au pied de laquelle le Var coule du couchant au levant va se rendre au Pujet Théniers en passant sur le pont de cette commune, distance 3 heures. Du Pujet part un chemin du sud au nord pour se rendre aux communes montagneuses de l’arrondissement dont je parlerai plus tard.

En laissant le Pujet à droite la route dont nous parlons va à Entrevaux (Basses Alpes) le long du Var qu’elle ne quitte plus et presque toujours en plaine, distance de Scros à Entrevaux quatre heures. D’Entrevaux où elle passe le Var, elle va au Castellet, par un affreux mauvais chemin, distance une heure ; au Castellet elle se divise en deux, une qui se dirige du levant au couchant menant à Barême et à Digne et l’autre qui va du sud au nord-ouest, conduisent à Barcelonnette (Basses Alpes) par les vallées de Guilleaumes et d’Entraunes.

Du Castellet, cette dernière conduit à Daluys (Alpes Maritimes) en passant sur les territoires de Sausses (Basses Alpes) et Saint-Léger (Alpes-Maritimes), distance deux heures. De Daluys, elle va à Guilleaumes, distance 2 heures. De Guilleaumes à Villeneuve d’Entraunes distance 2 heures. De Villeneuve à Saint-Martin-d’Entraunes distance une heure et demie. De Saint-Martin à Entraunes distance 2 heures. D’Entraunes à Estainc distance une heure. A Estainc on trouve la montagne dite la Caillole qui sépare la vallée d’Entraunes de celle de Barcelonnette, montagne herbacée et d’un passage très commode pendant huit mois de l’année. Il y a un chemin qui était autrefois en bon état et est aujourd’hui entièrement dégradé, lequel conduit en cinq heures à Barcelonnette. Ce chemin est de la plus grande importance pour la vallée d’Entraunes, puisque c’est de Barcelonnette qu’elle tire ses grains lorsqu’elle en manque et qu’elle fait passer à cette ville commerçante les trois quarts des produits de son industrie.

Total de longueur de la route de Nice à Barcelonnette : 31 heures qui pourraient être réduites à un tiers de moins si les chemins étaient beaux.

Un autre chemin tiré d’Entraunes à Colmar, du levant au couchant, par la montagne appellée col des Champs, fait communiquer la vallée dont nous parlons avec celle de Colmar, à une distance d’environ quatre heures l’une de l’autre. L’huile, le vin et le cuir en sont tirés, et le commerce serait du quadruple plus actif à cause des autres vallées qui communiquent avec celle d’Entraunes si ce chemin était plus praticable, mais négligé depuis la guerre, il n’est plus qu’un précipice continuel à travers des blocs de grès qui ont roulé dessus et l’interceptent.

La route de Barcelonnette est non seulement utile au commerce des communes circonvoisines mais encore elle abrège d’environ vingt lieues la distance qu’il y a entre Nice et Lyon, et elle fait communiquer avec le département des Alpes Maritimes ceux des hautes Alpes, Basses Alpes du Mont Blanc et de l’Isère qui en seraient très éloignés s’il n’y avait que la grande route de la Basse Provence. Il est donc infiniment intéressant de la rénover et de l’entretenir. A dire vrai il serait extrêmement difficile de la rendre routière par les passages que j’ai décrit mais du moins on peut la faire commode et sure pour les gens de pied, les chevaux et les bêtes de transport.

Cette route passe dans la vallée d’Entraunes à la gauche du Var et là elle n’est ni sure ni commode à cause des crevasses fréquentes occasionnées par les eaux et de l’éboulement des terres et des pierres, il faut nécessairement la transporter à la droite de la rivière où le terrain ainsi que la roche sont de nature solide ; les frais de première construction seront amplement compensés par ceux qu’occasionnent les fréquentes réparations qu’il faut faire au chemin actuel. Le reste de la route jusqu’à Nice n’exige que des réparations avec un entretien suivi plus les ponts dont j’ai parlé à l’article du Var parmi lesquels celui de Bonson est un de ceux dont le défaut a le plus amorti et dévié le commerce des communes du département et de celles du Var et des Basses Alpes avec la ville de Nice.

Routes départementales

J’appelle de ce nom celles qui parcourent tout le département et qui sont absolument nécessaires pour faire communiquer les extrémités avec son chef lieu parmi ces routes nous en avons deux principales dont nous allons nous occuper qui sont celles de la Tinée et de la Vésubie.

Route de la Tinée

On peut arriver de Nice au commencement de la vallée de la Tinée par divers points. Le chemin le plus fréquenté est le suivant : de Nice à St André, distance 1 heure ; de St André à Torrette, distance une heure et demie, de Torrette à Levens distance deux heures ; de Levens à Utelle distance 3 heures ; d’Utelle à la Torre, distance deux heures et demies ; de la Torre à Clans distance 2 heures ; de Clans à Marie distance 1 heure ; de Marie à San Salvador distance une heure et demie.

De Nice à Levens on monte toujours mais il serait facile d’y entretenir un chemin sur et commode ; de Levens on descend jusqu’à la Vésubie qu’on passe sur un pont et l’on monte ensuite par un chemin taillé dans le roc vif et toujours précipiteux jusqu’à Utelle d’où l’on descend de nouveau par un chemin affreux jusqu’à la Tinée près de Roussillon hameau de la Torre ; tous ces chemins ont besoin d’entretien, mais ce dernier exige les plus grandes réparations. Il y a un pont dans une gorge avant d’arriver à la Torre qui tombe en ruines et qui, s’il n’est réparé promptement, interceptera tout à fait cette route.

De San Salvador la route conduit à Isola distance quatre heures ; à Isola est un chemin d’environ trois heures de longueur qui conduit à Saint-Anne et aux Bains de Vinai (Piémont). D’Isola à Saint-Ethienne distance quatre heures ; de Saint-Ethienne au Pont haut distance une heure et demie ; du Pont haut la route se divise en deux branches, une qui suit la Tinée et qui va aux Prez, hameau de Saint-Dalmas le Sauvage et l’autre à Saint-Dalmas même, distance tant d’un coté que de l’autre une heure ; de Prez on va à Boussieyes, autre hameau de Saint-Dalmas, distant d’environ demie heure du premier qui se trouve au pied de Pelouze, montagne toute herbacée au delà de laquelle est la vallée qui conduit à Barcelonnette.

Nous avons donc environ ici une autre issue pour aller à Barcelonnette le chemin est facile mais il n’est praticable que pendant sept mois de l’année.

En passant par Saint-Dalmas il y a encore un autre chemin qui aboutit à cette ville par le vallon de Sestrières et la montagne de Foug ; mais ce chemin est entièrement dégradé, coupé par le torrent et moins commode que celui des prez qui serait susceptible de devenir routier depuis ce hameau jusqu’à la terminaison de la vallée de la Tinée.

Le terroir de Saint-Dalmas communique avec celui des Basses Alpes du côté du couchant et du coté du nord nord-est avec le Piémont : c’est-à-dire par un chemin qui passe par le col de Sarsa-Moréna on arrive dans cinq à 6 heures à Argentières dans la vallée de Stura. Ce passage est important par le commerce qui se fait entre cette vallée et les communes de Saint-Dalmas, Saint-Ethienne et Entraunes ; il conviendrait de le rendre plus praticable.

Total de longueur de la route de la Tinée depuis Nice jusqu’à la montagne de Pelouze 24 heures et demie.

Cette route est assez belle depuis le Prez jusqu’à Saint-Ethienne. Depuis cette petite ville jusqu’à San Salvador elle est affreuse dans tous les points de vue ayant été complètement négligée depuis dix à douze ans. Depuis San Salvador jusqu’à Roussillon elle est passable.

Cependant il est non seulement facile de la rendre commode mais encore elle est celle de toutes les routes de départementales la plus susceptible de devenir un chemin à roulier. Depuis l’embouchure de la Tinée jusqu’à sa source la pente de terrain est extrêmement graduée et excepté au sortir de San Salvador où il y a une montée d’un quart d’heure qu’il faudrait adoucir le restant du chemin n’a besoin que d’être suffisamment élargi et soutenu du haut et du bas contre les éboulements et les torrens.

La grande difficulté se trouve à l’embouchure de la Tinée vers Chaudan hameau d’Utelle. Ici le chemin fuit et la rivière s’écoule au milieu des rochers et il resterait encore dix heures de chemin à parcourir pour arriver à Nice par des montagnes qui ne seront jamais accessibles à des voitures. Les rochers de la pointe d’Utelle et ceux de Saint-Blaise qui bordent le Var depuis la Tinée jusqu’à Saint-Martin ont obligé de prendre ce détour par les montagnes mais serait-il absolument impossible de se fraier un chemin sur ces rochers même jusqu’à Saint-Martin-du-Var et de gagner au moins cinq heures sur l’espace qu’il faut parcourir aujourd’hui ?

Outre d’abréger les distances, rien ne serait plus propre qu’un semblable chemin placé au centre de la partie la plus agreste et la moins civilisée du département pour aviver l’industrie et multiplier les ressources de plus de trente communes répandues non seulement dans la vallée de la Tinée mais encore dans les vallées et dans les montagnes qui y correspondent et qui seront toujours misérables à cause de la pauvreté de leur sol tant qu’elles n’auront pas des chemins qui les rapprochent des cités commerçantes qui les familliarisent avec les étrangers et qui leur inspire le gout de la civilisation et de l'industrie ; ajoutons qu’au dessus de cette route sont les plus belles forêts, lesquelles ne seront jamais que la proie de la main dévorante du tems ou de la grossière activité des paysans si l’on ne pratique de beaux chemins pour y arriver.

Route de la Vésubie

La route de la Vésubie commence à l’Escarène d’où elle part du sud au nord pour se rendre à Lucéram distance deux heures. De Lucéram se dirigeant vers le nord-ouest le long de la forêt de la Mairis et à travers les rochers qui se dégradent au bas desquels coule le torrent de Louda, elle conduit à Lantosca, distance cinq heures, continuellement sur un chemin étroit entre la roche et le précipice. De Lantosca elle-même à Roccabiliera et Belvédère distance 2 heures ; ici le chemin passe sur des bancs de gips qui se décomposent et qui ne sont pas surs. Il conviendrait de le ramener par le village la Bolline où il passait auparavant soit pour l’avantage de cette commune soit pour mettre la route à l’abri de la rivière et des éboulements.

De Roccabiliera la route, suivant toujours la Vésubie, conduit à Saint-Martin-de-Lantosca, distance 2 heures. Ici en passant le col de Fenestre du midi au nord on aboutit à Entraigues (Piémont) ; en continuant la route après avoir laissé la Vésubie on passe le col de Saint-Dalmas-du-Plan et on arrive à Val de Blora dont Boline est le chef lieu distance 2 heures. De Boline on monte à Rimplas distance une heure et demie. De Rimplas on descend à la Tinée au village de San Salvador distance une heure et demie par un chemin analogue à celui de Lucéram à Lantosca. Si au contraire on veut descendre de la Tinée on prend le chemin qui va à Marie taillé au travers d’un roc jeté et escarpé, distance deux heures.

Totalité de longueur du chemin de la Vésubie de Nice à Saint-Martin-de-Lantosca ses deux extrémités 14 heures ; de Saint-Martin pour venir joindre la Tinée à San Salvador 5 heures et pour la joindre à Marie, quatre heures.
Ce chemin a besoin tout le long de grandes réparations et comme je l’ai déjà dit d’un pont sur la Vésubie à Roccabiliera pour qu’il ne soit pas intercepté dans le tems des crues.

Bien avaient pensé les anciens d’abréger cette route de la Vésubie en pratiquant un chemin dans le roc le long du lit de cette rivière ainsi que j’ai dit qu’on en voit encore les vestiges. Il y a apparence qu’il allait aboutir à la Roquette Saint-Martin le long du Var là où nous avons souhaité qu’on taillat un chemin. Il allait de la à Duranus, distance une heure. De Duranus à Lantosca distance une heure et demie et il était par conséquent tout en plaine depuis Nice et plus cours de cinq heures et demies que le chemin actuel. Le grand nombre d’issues que la vallée de la Vésubie se trouve avoir du coté du Piémont avaient peut être pu déterminer cette dépense.

Route de la vallée du Var

Cette route qui mène du Pujet à la Tinée est comme je l’ai déjà dit au commencement de ce chapitre des plus dégradées et des plus affreuses et exige les plus promptes réparations. Du Pujet elle va au Thouet, distance une heure et demie. Du Thouet au Villars, distance deux heures. Du Villars à Massoins distance deux heures. De Massoins à Tournefort, distance une heure.

De Tournefort au pont de la Tinée sous Roussillon distance une heure. Total sept heures et demies. A cette route aboutissent

1° la grande route du Pujet à Nice et la continuation dans la vallée de Guilleaumes.

2° versant du nord au sud le chemin des communes d’Auvare et de la Croix, distantes du Pujet la première de quatre heures et la seconde de deux heures.

3° Le chemin de Pujet de Rostang, deux heures.

4° Le chemin de Beuil, Rora et Robion. Celui-ci est tracé le long du vallon des champs lorsque le torrent a peu d’eau.
Lorsqu’il est volumineux et que la communication est interceptée on passe par la montagne de Dines. Du Pujet il conduit d’abord à Rigaut, distance 3 heures et demies. De Rigaut à Lieuche distance une heure.
De Lieuche à Pierlas distance 2 heures. De Pierlas à Beuil, distance 2 heures. De Beuil à Robion distance 2 heures. De Robion à Rora, distance une heure. De Rora il descend à San Salvador à la Tinée, distance une heure. Il reçoit près de Rigaut le chemin de Thierri distant trois heures du Puget. A Pierlas le chemin d’Ilonse, qui en est éloigné de deux heures et qui a un autre chemin d’une heure qui va à la Tinée

5° du sud au nord le chemin de Malaussène, (interrompu lorsque le pont du Var est brisé) qui aboutit au col de Vial, dont j’ai déjà parlé, et qui fait communiquer les vallées du Var et de la Tinée avec les communes placées entre le Var et l’Estéron ; distance de Malaussène à la route de la vallée du Var une heure et demie 6° du nord au sud le chemin de Bairols à Tournefort distance une heure.

Il est difficile de se figurer sans l’avoir vu le mauvais état de ces chemins plutôt propres pour des chèvres que pour des hommes ; aussi s’opposent-ils beaucoup à la fréquence et à la richesse des foires et des marchés.

Route de la vallée de Nervia

Au point où j’ai dit que la route d’Italie cesse d’être commune entre le département et la Ligurie, la route de la vallée de Nervia remontant du sud au nord sur la gauche de cette rivière, passe d’abord par le milieu du village de Campo Rosso (Ligurie) et conduit à Dolce Aqua (Alpes-Maritimes) commune distante de la mer de 2 heures desquelles les trois quarts sont de la Ligurie. Il en résulte que pour aller de Dolce Aqua à Menton il faut nécessairement marcher pendant quatre heures sur un territoire étranger. De Dolceaqua le chemin conduit à Isola Buona, distance 2 heures. Dans cet intervalle il reçoit 1° le chemin qui vient de Suborga et Perinaldo, de Suborga à Perinaldo, distance une heure ; de Perinaldo à Dolce Aqua une heure et demie 2° celui d’Apricale conduisant également à Perinaldo éloigné d’une heure d’apricale à Isola Buona, distance trois quarts d’heure 3° celui de la Rochetta commune distante de deux heures de Dolceaqua. De Isola Buona la route conduit à Pigna ; distance 2 heures ; de Pigna à Buggio distance 2 heures ; à Buggio le chemin se continue par les montagnes de Tanarda et Marta, pour aller tomber à Briga, commune qui étant de l’arrondissement de Monaco a besoin de ce chemin de traverse pour s’y rendre ; il est praticable durant huit mois de l’année, distance 5 heures de Buggio à Briga. Longueur du chemin de la vallée de Nervia depuis la mer jusqu’à Buggio, huit heures.

Ce chemin est tout en plaine très commode et pourrait être rendu très facilement carrossable.

Routes vicinales

Toutes les montagnes du département sont traversées de petits chemins et sentiers qui établissent la communication entre une commune et l’autre, qui aboutissent tous aux chemins principaux dont j’ai parlé et desquels il serait aussi long qu’inutile de faire l’énumération détaillée. Je ne m’arrêterai donc qu’à ceux qui présentent le plus d’intérêts.

1° Le chemin qui fait communiquer Menton avec Sospello, de six heures de long, passant sur les territoires de Castellar, Sainte-Agnès et Castillon. Ce chemin est très important parce qu’il rapproche les vallées de Bevera et de Roya de la mer. Avant la guerre, on avait commencé du coté de Menton à le rendre carrossable et il en est susceptible dans toute son étendue ; peut-être aurait-on achevé l’ouvrage parce que Sospello était pour lors chef lieu de la petite province de ce nom et il est indubitable que c’aurait été et que ce serait encore un grand service rendu à cette partie du département.

2° Le chemin de Molinetto à Sospello, distance trois heures

3° Le chemin de Castillon à Peglia, distance 2 heures ; de Peglia à Peglion, distance une heure ; de Peglion à Drap distance une heure.

4° Le chemin du pont de Peglia à Contes distance une heure et demie ; de Contes à Berra, distance une heure et demie ; de Berra à Coaraza, une heure et demie ; de Coaraza à Chateauneuf, distance deux heures ; de Chateauneuf à Torrette, distance une heure ; d’où à Aspremont, etc.

On conçoit que tous ces chemins et autres sont encore plus mauvais que les principaux ayant été absolument négligés depuis le nouvel ordre de choses.

En parcourant le pays on entend tous les habitants gémir sur l’état de leurs chemins et sur les dommages qu’ils en éprouvent. A ces plaintes multipliées et plus encore aux dangers et aux peines qu’on vient d’essuier pour arriver on est d’abord surpris de la contradiction qui se trouve entre le besoin qu’éprouvent ces habitants et l’insouciance qu’ils ont mis jusqu’à présent à le faire disparaître ; la surprise cesse en considérant que l’homme ignorant et irréfléchi a besoin souvent d’être forcé à soigner ses plus chers intérêts. Sous le gouvernement sarde, chaque commune s’imposait un petit fond pour l’entretien de ses ponts et chemins. Les gros travaux se faisaient par corvée à laquelle le paysan était accoutumé de tems immémorial ; on ne payait que ce qui ne pouvait pas s’exécuter de cette manière. Les sindics des communautés étaient responsables de l’état de leurs routes et punis sévèrement de toute négligence : depuis la Révolution ne concevant pas la liberté et cependant profitant de l’anarchie, l’habitant de ces montagnes a rompu tous les liens du pacte social et n’a plus voulu obéir, surtout parce que les nouvelles autorités aussi ignorantes que leurs administrés ne savaient pas le faire respecter. Ainsi les forêts ont été incendiées, les réserves pour conserver ces chemins défrichées, les torrens livrés à leur rapidité, les éboulements laissés en place, les ponts et routes abandonnés à la merci de toutes les causes de destruction. Combien pendant l’espace de dix ans n’ont-elles pas du agir dans un pays tout montueux dont la plupart des roches sont fragiles tandis qu’en continuant de faire chaque année de petites réparations on se trouverait aujourd’hui des routes en état comme par le passé.

Il n’est pas douteux que la réparation et construction des trois routes, du Piémont de Ligurie et des Basses Alpes, ainsi que des ponts qu’elles exigent, n’appartiennent à l’Etat puisqu’elles servent au passage non seulement des gens du pays, mais encore des étrangers qui se rendent à Nice ; quant aux routes départementales leur entretien appartient au département, comme celui des vicinales aux communes qui en profitent.

Cependant dans l’état actuel des choses, le département comme les communes sont dans l’impossibilité absolue de supporter les dépenses que ces réparations exigeraient parce que le fardeau de leurs impositions est beaucoup plus fort que ce qu’il était par le passé et que le pays a beaucoup souffert de la présence des différentes armées pendant plusieurs années. D’une autre part, ainsi que je l’ai démontré, il est urgent de réparer et d’établir une police qui conserve le bien que l’on aura fait. Comment satisfaire à la fois à ces différents points ?

Je ne vois aucun autre parti plus légitime, plus convenable à la nature du lieu et plus expéditif que celui de rétablir la corvée, c’est à dire d’obliger chaque commune à réparer et entretenir le chemin qui passe sur son territoire. Il n’a dépendu que des maires de continuer facilement l’exercice de cette institution que la révolution avait fait disparaître trop généralement. En passant par Robion, commune bâtie sur le revers d’une montagne rapide, je fus surpris d’y trouver de plus beaux chemins que dans la plaine et d’y voir des hommes occupés à les réparer. Le maire, homme actif et intelligent, (le citoyen Guerin) m’explique l’énigme en me disant « qu’il avait obtenu de ses administrés de continuer la corvée, qu’en conséquence il les avait divisés en décuries chargés chacune à leur tour et gratuitement de porter du secours partout où quelque chemin de la commune se trouvait endommagé et que depuis plusieurs années la chose s’exécutait paisiblement et sans murmure ».

Cet exemple mis, en vain, sous les yeux des autres maires, parce que la plupart préfèrent de flatter les habitudes vicieuses du peuple au plaisir de lui procurer un bonheur solide, cet exemple dis-je m’a prouvé que le moyen que je propose est exécutable et qu’il n’y aurait qu’à l’ordonner pour le voir adopté sans restriction, d’autant plus que je ne prévois pas qu’on aye de long tems assez de fonds pour lui en substituer un autre moins onéreux.
Le même moyen devrait être employé pour la confection des canaux d’irrigation, des fontaines et autres travaux des communes utiles à un chacun de ceux qui y seraient soumis.

Les canaux d’irrigation ne peuvent être dans ce pays séparés des chemins parce que ce sont les torrens qui leur portent le plus de préjudice. Or, en déviant l’eau de ces torrens on fait deux biens à la fois, celui d’en diminuer la masse et de les rendre utiles à l’agriculture.

La corvée n’est odieuse que lorsqu’elle est accompagnée d’un grand nombre d’exceptions comme elle l’était dans l’ancien régime ; en y soumettant tout le monde avec liberté de payer de son argent lorsqu’on ne le peut de sa personne elle est nécessaire et ne répugne à aucun principe.

Sans doute elle ne suffit pas et il est toujours indispensable d’avoir des fonds pour l’achat de matériaux et pour la direction des travaux ; mais indépendamment des bienfaits qu’on a droit d’attendre du gouvernement une sage économie dans l’administration des revenus des communes et quelques impositions locales dirigées sur des objets qui ne sont pas de première nécessité suffiraient bientôt à faire face à ce qu’il y aurait de plus urgent. Le dirai-je en feuilletant les bilans de 1790 et de l’an 9 de quelques communes. J’ai vu avec étonnement qu’alors que les chemins étaient bien entretenus, les dépenses locales ne se montaient qu’à trois cent francs et qu’elles se montent à mille et douze cent francs aujourd’hui que tout est négligé.

De quelque manière que les chemins soient réparés il faudrait avoir soin de les entretenir ; que toutes les terres qui les dominent soient replantées en bois et qu’il ne soit permis ni à la chèvre ni à la bêche d’y toucher ; que deux fois par mois un inspecteur les parcoure pour faire réparer aussitôt le plus léger dommage par la commune sur le territoire de laquelle il est ; que les maires et adjoints soient intéressés à une surveillance active ou par des récompenses ou par des punitions, c’est à dire qu’un code de police soit donné pour veiller sur les eaux, sur les chemins et sur les bois et pour conserver à la culture les pays de montagne.

Il me reste un vœu à énoncer c’est de voir dans ce climat surtout toutes ces routes ombragées par des arbres et surtout par des meuriers qui réuniraient à la fois l’utile et l’agréable et qu’on voyait avant la guerre fort multipliés et partout au grand profit des habitants.