Des mariages, naissances et déces

Analyse des mariages, naissances et décès avec une comparaison de la mortalité entre les villes et les campagnes, entre les parties méridionales et septentrionales.

NOTE : Nous offrons aux internautes la possibilité de découvrir ce texte inédit transcrit dans sa forme originelle et avec l'orthographe de l'époque.

Etat civil, époques de la puberté et des mariages ; longévité etc.

Des mariages, naissances et déces

Tableau comparatif, Des naissances, mariages et décés, dans le département des Alpes Maritimes, aux années 1790 et 10e (ou 1802)

Nombres en 1790

Nombres en l’an X

Naissances

3 563

3 330

Mariages

964

976

Décès

3 024

2 588

Il résulte du tableau ci-dessus, auquel j’ai mis toute l’exactitude possibles, en comparant avec les registres de l’état civil, les notes des curés, chaque fois que j’ai pu me les procurer, il résulte dis-je, 1èrement que le nombre des naissances et décés est inférieur dans l’année actuelle, à ce qu’il était en 1790 ; 2èmement que celui des mariages à augmenté ; 3èmement que le nombre des naissances excede de plus d’un cinquiéme celui des morts.

On ne doit pas être surpris que le nombre des naissances soit inférieur, puisqu’il y a dans le Département, dix mille ames de moins ; on verra au contraire avec plaisir que ce nombre est plus considérable qu’en 1790, rélativement à la population actuelle, car en prenant le nombre rond de 100 000 pour la population de 1790, il nous donne de naissance, 350 par chaque dix mille ; nous devrions donc avoir, en l’année actuelle, ou la population est diminuée de 10 000, naissances 350 de moins ; mais ce moins n’est que de 233, il y a dont 117 naissances de gagnées.

Quant aux mariages, il est évident aussi que le département y a gagné ; en supposant toujours les mêmes nombres ronds ; on voit qu’il s’en fesait en 1790, moins de 10 par mille, et qu’aujourd’hui ce nombre est dépassé.

Pour les morts, on a en 1790, le nombre de 300 pour chaque 10 mille, et l’on n’a plus aujourd’hui pour cette même quantité, que 290 décés, ce qui reduit la quantité de morts, à moins de 3 par cent car il y a 436 morts de moins qu’en 1790, et en suivant les proportions de la population, il ne devrait y en avoir que 336, il y a donc 100 individus de plus, de conservés en l’an dix.

Comparaison de la mortalité des villes, avec celles des campagnes

Du reste, je trouve, comme les autres observateurs l’on fait avant mois que la proportion des morts est plus grande dans les villes, à raison de leur population ; pour Nice seule, peuplée de 20 mille ames, nous avons pour l’an II, 747 morts et l’an l’an X 667, ce qui nous donne plus de 378 par dix mille, et plus de 37 1/3 par mille ; Menton, peuplée de 3 289, donne 100 morts ; c’est à dire 30 par mille ; Peglia, peuplée de 1 400, donne 28 morts, c’est à dire, 20 par mille ; et je trouve une infinité de communes peuplées de 3 à 4 cens habitans, qui ne me donne par an que 3 a 4 morts, c’est a dire, un par cent ; ce qui n’est pas une vaine théorie, mais un fait verifié par moi, avec le plus grand soin, et pour plusieurs années, tant dans les registres des communes que dans ceux de messieurs les curés, lesquels j’ai presque toujours reconnus être plus exacts que les premiers.

Il en résulte par conséquent, que nous nous prélevons les morts des lieux du Département, ou se trouvent rassemblés un plus grand nombre d’hommes, la mortalité est réduite à moins de deux par cent.

Comparaison de la mortalité dans les positions opposées

Les recherches que j’ai faites par moi même m’ont donné occasion de déterminer dans la quelle disposition méridionale et septentrionale, de plaine ou de hauteur, il y avait davantage de mortalité.

Je prends pour le premier objet de comparaison, deux points bien opposés et en plaine, avec à peu près la même population, savoir, Isola Buona, situé au sud-est du Département, et Isola, dans la Tinée au nord-ouest. Le premier de 660 ames de population, et le second de 665. Je trouve pour Isola Buona, (année sans épidemie de petite vérole ou autre) 16 morts et pour l’autre Isola 21. En comparant de même un autre point meridional, Roquetta-Dolceaqua, peuplée de 527 ames, avec entraunes, village sis au nord ouest, de 600 ames, j’ai dans ce dernier point, 20 morts et dans le premier 10.

Si nous faisons l’estimation sur une population plus nombreuse, nous pouvons prendre d’une part, pour point est et sud, Apricale et de l’autre pour point ouest et nord, St Ethienne ; le premier de 1 300 ames, et le second de 1 700 ; or, je trouve à Apricale, 12 morts seulement et 30 à St Ethienne, nombre supérieur à ce que produirait les 400 ames de plus, qu’il y a dans cette derniére commune, si elles étaient du coté d’Apricale.

De sorte que je conclu qu’il y a plus de mortalité dans les régions froides du Département que dans les régions chaudes.

Actuellement la comparaison pour la plaine et la hauteur je prends deux points dans le sud est et deux autres points dans le nord-est. J’ai pour le premier, Dolceaqua, en plaine ; population à 1 300 ames et Perinaldo, à 2 heures d’élévation sur celle ci, d’une population de 1 350 ; il y a eu dans la premiére commune 34 morts en l’an X, et dans la seconde, 35. Je trouve les mêmes proportions pour d’autres points, et j’en conclus que dans les parties orientales et meridionales du Département la mortalité est égale, en plaine comme dans la hauteur.

Quant aux régions, nord-ouest, en prenant Peaune d’une part, village situé au pied de la montagne qu’il faut gravir pendant 2 heures et demies pour aller à Bueil et cette commune, de l’autre ; nous avons pour la premiére, peuplée de 850 ames, 17 morts, et pour la seconde, peuplée de 725, 25 morts ; de sorte qu’il est évident que dans cette partie du Département, les points élevés sont plus fort en décés que ceux situés aux pieds des montagnes.

Nous trouvons les mêmes proportions à mesure que nous nous écartons de la mer pour nous approcher des Alpes en allant directement du sud au nord.

Nous avons, année commune, à Escaréna, bourgade de 1 100 ames, 29 morts.
A Sospello, ville de 3 000 ames, 82 morts.
A Breglio, bourgarde de 1 600 ames divisée en deux hameaux 25 morts.
A Saorgio, bourgage également divisée, de 2 400 ames, 33 morts.
A Tende, ville de 1 700 ames, 40 morts, ce qui a été durant plusieurs années de suite.
A la Briga, commune divisée de 2 895 ames, 61 morts.

On voit donc que Tende qui est la commune la plus élevée, et la plus proche des grandes Alpes que toutes les autres, a une mortalité supérieure ; ce qu’on peut attribuer, avec fondement à la fréquence des vents froids, des oragans et des changements de température, à laquelle on a vu, dans la premiére section, que les point élevés sont particulierement .

L’occasion se présente aussi de noter que les situations humides sont peu favorables ; aussi la mortalité de Sospello surpasse beaucoup celle de Saorgio, toute proportion gardée : or Sospello est placée dans une conque des plus humides du Département. J’ai fait la même observation dans plus autres points des vallées.

Proportions des mariages et des naissances

Le déficit de 233 naissances que nous avons trouvé pour l’an X existe déjà, en partie à Nice ; le total des nés des quatre parroisses de cette ville, en 1790 était de 1 098, ce qui donnait pour une population de 25 mille ames, 44 naissances par mille ; actuellement avec une population de 20 000 ames. Ce total est de 1 053, c’est-à-dire de seulement 45 naissances en moins ; ce moins eut pourtant du être de 220, en suivant la proportion ci dessus ; il y a donc 175 naissances de gagnées sur l’année 1790 et par conséquent ¼ par mille.

Sospello, avec une population de 4 mille ames en 1790 n’a eu que 171 naissances, et il en a eu cette année 146 ; c’est-à-dire, qu’en 1790 on en comptait que 42 naissances et ¼ pour chaque mille individus, et qu’on en compte aujourd’hui 48 et ½.

Menton, quoiqu’avec la même population, a eu 106 naissances en 1790, et 104 en l’an X ; ce qui donne environ 35 naissances par mille pour cette ville.

Eze population de 1 165 ames, desquelles 45, depuis 1790, a eu à cette époque 27 naissances, et en a 30 actuellement, ce qui fournit environ 25 par mille.

Ville franche, peuplée autrefois de 3 000 ames, eut en 1790, 114 naissances, en l’an X elle en a eu 82 ce qui fournit 41 par mille, somme à la quelle elle n’arrivait pas auparavant.

Dolceaqua a 40 naissances, c’est à dire, un peu plus de 30 par mille.

Perinaldo en a 36, c’est-à-dire, un peu moins de 30 par mille.

Rochetta en a 12, c’est-à-dire 24 par mille.

Isola Buona, en a 22, c’est à dire environ 30 par mille.

Pigna, en a 70, c’est-à-dire un peu moins de 30 par mille.

Tende, avec une population inférieure à 1 790 en a 74 comme alors, ce qui donne 45 par mille.

Saorgio, en avait 97, il n’en a plus que 65 c’est à dire 28 environ par mille.

Breglio, quoique diminué de population, à 78 naissances comme en 1790, c’est-à-dire, qu’alors on comptait 39 naissances par mille, et qu’on en compte aujourd’hui 49.

Peglia, population égale, avait 43 naissances il en a actuellement 48, c’est-à-dire, 33 par mille.

Contes, population égale, en a 55, c’est à dire 33 ½ par mille.

Escarena, en a 53, c’est à dire, 48 par mille.

Partie septentrionale

St Ethienne, ville, a 33 naissances, c’est à dire 21 par mille.

St Dalmas le Sauvage, population de 718 ames en a 23, c’est-à-dire 30 par mille.

Entraunes, population de 600 ames, 18 naissances, c’est-à-dire 30 par mille.

Guilleaumes, ville, 48 naissances, c’est-à-dire, un peu plus de 44 par mille.

Pujet Theniers, ville de 1 000 ames, 39 naissances.

Villars, village de 600 ames ; 32 naissances ; un peu plus de 50 par mille.

Valdeblore, population de 850 ; 20 naissances, ou 2 ½ par cent.

Beuil, 23 naissances, soit 3 par cent.

Auvare, 120 de population ; 4 naissances.

Utelle ville, 1 300 ames de population ; 50 naissances, actuellement 27, en 1790, ou la population était de 1 449 ; donc prés de 40 par mille ; aujourd’hui, et près de la moitié moins autrefois.

Roquesteron, 390 de population ; 20 naissances ; 5 en 1790 , donc plus de 5 pour cent aujourd’hui, et 1 pour cent autre fois.

Cigalle, 551 ames de population ; 10 naissances en 1790 ; 35 aujourd’hui.

De plus longs détails seraient excessivement fastidieux pour le lecteur ; lorsque je jette les yeux sur le tableau de toutes les communes du Département, j’y vois la grande majorité avoir plus de naissance aujourd’hui qu’autre fois, et cette partie de l’état civil, portée l’une dans l’autre à trois et demie pour cent individus, tandis qu’en 1790, à peine arrivait-elle à trois. Encore n’avons nous pas le nombre des nés des émigrans de chaque année qui partent avec leurs femmes et qui peuvent être pères dans l’étranger ; mais l’on m’a assuré que le nombre des naissances et des morts hors du pays n’était jamais conséquent, et que quant aux mariages, il était rare qu’il s’en fit hors de la commune.

J’ai recherché si le chaud ou le froid fesaient quelque chose au nombre des naissances ; mais on a pu voir dans l’état des communes méridionales et septentrionales, prises au hasard, et mises sous les yeux du lecteur, qu’il y a à peu de chose prés, égalité. Seulement, à part une raison morale dont je parlerai bientôt, il est évident que la plus grande somme de naissances se trouve là ou il y a de plus grands moyens de nourriture ; et lorsque je vois des communes, ou le nombre des nés à augmenté, je vois aussi que c’est parce que les huiles ont augmenté de prix et ont procuré plus de facilités de subsistance. Ailleurs, ce sont les bestiaux, ou les autre genre d’industrie qui ont produit cet avantage d’abord, ce sont les villes, ou il y a ordinairement beaucoup de naissances, parce qu’elles présentent plus de ressources à l’industrie ; parmi les communes que j’ai citées, le Villars offre la population la plus avantageuse et le Villars est un des points les plus riches, tant par ses huiles, ses vins, que par ses autres denrées ; Cigalle, Roquesteron et autres villages entre le Var et l’Esteron, pays pauvres naturellement et peu peuplés, ont obtenu plus d’aisance par la valeur des huiles, leur unique ressource, et ils ont augmenté de population. Tende soutient sa population, par les muletiers qui sont dans une activité continuelle, l’industrie musicale de St Dalmas le Sauvage, l’art de réduire les laines en draps grossiers, de la vallée d’Entraunes, etc. etc. donnent évidemment à ces communes un peu plus d’aisance, et facilitent la population. Là, ou il n’y a eu ni l’avantage des huiles, ni celui de l’industrie, ou les maux de la guerre ont produit une stupeur décourageante, la population est restée stagnante, il y a eu un nombre moindre de naissances ; plusieurs communes de la vallée de la Vésubie et de la Tinée nous en offrent des exemples.

Des mariages

L’abondance de nourritures et la facilité de se la procurer ; qui fortifient le corps, tranquillisent l’esprit, et engagent l’homme à être père, font aussi faire un plus grand nombre de mariages. Il est vrai que la jouissance tant désirée de la paix, a levé les incertitudes d’un grand nombre de jeunes gens qui résistaient durant plusieurs années à leurs inclinations naturelles ; mais d’une autre part, nous ne pouvons méconnaitre l’effet de l’augmentation du prix des denrées, chez un peuple uniquement agriculteur, et qui se trouve avoir dans les mains une plus grosse somme que jamais il n’ai eu ; tout comme nous devons faire entrer en ligne de compte l’influence des nouvelles lois françaises pour la destruction d’un préjugé qui s’opposait singulierement à la population des contrées.

Préjugés qui limitaient le nombre de mariage

C’est celui des primogenitures 1e Nice et toutes les petites villes du département avaient la manie de la noblesse cette passion avait été portée si loin, que tout artisan qui était parvenu à avoir 3 000 francs de rente, voulait acheter un fief, à quoi il était engagé par le bas prix que les finances sardes y mettaient, et la facilité qu’avaient ensuite les enfans d’obtenir des grades militaires refusés aux roturiers ; mais dès lors, tout comte ou tout baron devait faire un ainé, et sacrifier ses autres enfans au célibat. Aussi les couvens étaient-ils tres multipliés partout, et remplis de moines ; aussi le clergé était-il infiniment nombreux, et l’on compte encore aujourd’hui 800 prêtres, les réguliers non compris pour une aussi faible population.

2e Quoique l’on trouve encore dans chaque mauvais village quelque comte ou baron, aussi grossiers que les autres habitans, cependant la manie des fiefs n’avait pas pris les campagnards, puisque par leur fortune, ils ne pouvaient y atteindre, mais ils s’étaient aussi appropriés dans plusieurs vallées, l’usage des primogenitures, je l’ai trouvé établi dans la vallée de St Ethienne et dans la vallée d’Entraunes, avec une telle force, que j’ai fait de vains efforts pour persuader les peres de la légitimité de la loi qui ordonne l’égalité des partages, pour conserver une aisance à la famille et lui donne chef, on fait entrer tous les garçons, à part un dans l’état écclésiastique ; ou si cela ne se peut, on décide dans un arrangement de famille, auquel des garçons on donnera une épouse, et tous les autres se vouent d’eux mêmes au célibat, et au service de l’Elu. Les ecclésiastiques travaillent de concert à enrichir la maison du frére marié, et l’expérience avait effectivement prouvé que cette spéculation si contraire à la lettre de l’Evangile, en valait bien une autre. Aussi compte-t-on encore 60 prêtres à St Ethienne aussi cette ville n’a-t-elle jamais fourni plus de 21 naissances par chaque mille d’individus, et plus de 6 à 9 mariages par an commune faite de plusieurs années avant et apres la Révolution, tandis qu’à St Dalmas le Sauvage a deux lieues de là, ou l’habitude d’aller en France avait fait contracter des mœurs françaises, et dont la population est moindre du double, je trouve consignés dans les registres, depuis 4 jusqu’à 15 mariages par an, depuis 1790, à l’époque actuelle.

En remontant à l’origine de cet usage en apparence si peu conforme à la nature, j’ai de la peine à croire que la bizarrerie des institutions aient pu lui donner lieu puisque le laboureur n’y avait pas, comme le citadin un intérêt direct ; après avoir vu tout le département et médité sur les ressources, cet usage contre lequel je m’étais d’abord élevé, m’a paru ensuite excusé par la necessité ; j’ai vu, comme je l’ai dit à l’article 3 du chapitre précédent, qu’il était des pays dons le sol ne pouvait nourrir qu’une population donnée, et qui deviendraient très misérables, si les fortunes étaient trop divisées ; ce fut sans doute sur ce principe senti et également naturel, que fut autre fois fondé l’usage dont je parle, et que les gouvernemens ont entretenu, en laissant ces peuples livrés à eux mêmes, et à la nourriture limitée qu’ils pouvaient retirer de la terre, sans addition d’aucune industrie.

Je me suis rappellé alors d’avoir vu autre fois la même chose, dans les montagne de mon pays ; en Savoie, l’usage des primogénitures n’était pas établi légalement, comme ici, parmi les laboureurs, mais il y était éxécuté par une convention tacite : dans plusieurs parroisses montagneuses, les frères se sacrifiaient de plain gré au bonheur d’un seul. On a vu parmi les peuplades américaines et dans diverses parties de l’Indostan, telles que le Boutan, le Thybet etc. la population limitée à la facilité des subsistances, et ce grand mobile produit partout les mêmes effets ; tant-il est vrai qu’en pratique, la nature est presque toujours opposée à la philosophie du cabinet.

Le total des mariages pour les quatre parroisses de la ville de Nice, en 1790 étaient de 232 ; et il est en l’an X, de 231 ; donc seulement un de moins ; mais ces 232 repartis sur 25 mille individus, ne donnaient pas dix mariages par mille, au lieu que la somme actuelle en donne treize ; il s’en fait donc actuellement un plus grand nombre et nous trouvons partout ailleurs, la même proportion.

Cependant ce nombre est encore petit, rélativement à la population ; il n’y a dans tout le département, que 41 190 mariés ou veufs, desquels 1 200 femmes veuves ; et il y a 6 320 célibataires, ou gens à marier, depuis l’age de 16 ans. Quelles seront à l’avenir les progressions dans le nombre des mariages ? Il est facile de juger qu’elles seront relatives à la pureté des mœurs, au prix avantageux des denrées départementales, à la conservation des oliviers et aux vues bienfaisantes du gouvernement français pour favoriser tous les genres d’industrie dont le pays est susceptible. Déjà l’on voit que la jouissance de la paix et le prix avantageux de l’huile en l’an dix, ont produit dans la ville de Nice une augmentation considérable dans le nombre de mariages, rélativement aux autres années.

Epoques de la puberté et des mariages de la fécondité et de la stérilité

Epoques de la puberté et du mariage, suivant les positions des communes

La chaleur qui vivifie tout, qui hate le développement des fleurs et la maturité des fruits, rend aussi l’espéce humaine plus précoce dans la faculté à se reproduire. Dans toute la partie méridionale et orientale du Département, ou la surface de la terre n’est pas privée par l’ombre des montagnes ni de l’action directe des rayons de soleil, ni de l’influence des vents du sud et de l’est. L’évacuation périodique paraît chez le sexe à 12 ou 13 ans, et les signes de puberté s’annoncent chez l’homme à 14 ou 15 ans. C’est aussi là l’époque du mariage à Nice et dans les autres communes méridionales, lorsque l’éducation a été négligée, ou que l’imagination chaussée par des images lubriques ajoute à l’instinct de la nature ; car là, ou il n’y a point de ces sortes d’images, et ou un travail assidu remplit toutes les heures du jour, les peres ne marient leurs enfants qu’a 20 ans, pour le garçonnet a 16 et 17, pour les filles, sans qu’il paraisse que ce retard tire à aucune conséquence pour les mœurs ou pour la santé ; il est au contraire reconnu utile, puisque c’est là, l’age de vigueur pour les deux.

J’ai dit, là ou la terre n’est pas ombragée par des montagnes, car tandis qu’à l’Escarena, les choses se passent telles qu’on vient de les voir, il y a déjà du retard à Luceram, village distant de deux heures, mais privé de soleil levant, par une haute montagne qui le recouvre. A Luceram, les garçons ne sont nubiles qu’à 17 ou 18 ans, et les filles a 14 ou 15 ans ; les premiers ne se marient que de 20 à 25 ans, et les filles de 18 à 25. L’age de vigueur n’y est en pleine activité, que de 25 à 30 ans.

A Lantosca, et dans toute la vallée de la Visubie, pays moins méridionaux que Luceram, l’age de puberté pour les mâles est de 18 à 20, et pour les fille de 14 à 15. Ces dernières se marient de 18 à 20, et les garçons à 25 ans.

A St Ethienne, à St Dalmas le Sauvage et dans la vallée d’Entraunes ou il fait plus froid, la puberté chez les deux sexes n’a lieu ordinairemens qu’à 18 ans, j’y ai vu des garçons et des filles de cet age d’une innocence et d’une ingénuité parfaites. L’époque des mariages est de 20 à 30 ans. Ce dernier age est celui de la vigueur.

Fécondité et stérilité

L’age ou les femmes sont nubiles est aussi celui, ou elles font des enfans, il est très commun à Nice, Menton, et pays circonvoisins, de voir des meres qui n’ont pas plus de 12 à 13 ans ; cette maternité précoce fait même rien à la fécondité. Car il est des femmes qui apres avoir été meres à 13 ans, le sont encore a 40 ; en général, il y a dans le département beaucoup de fécondité ; les péres de 10 à 12 ans n’y sont pas rares ; la chaleur ou le froid n’influent rien ; j’ai trouvé autant de fécondité à St Dalmas le Sauvage que dans les communes tres peuplées de la vallée de la Nervia, à la Briga ; pays de bergers, à Tende pays de bergers et de muletiers, les familles sont très nombreuses.

Si la puberté est hative, elle n’amène pas plutôt la stérilité, comme on serait tenté de le croire, d’après les systemes. L’époque de la cessation des regles, est pour toutes les contrées du Département, tant chaudes que froides à 45 ans. Les femmes peuvent être fécondes jusqu’à cet age, ainsi que des exemples le prouvent, mais comme toutes les méres, à part quelques femmes délicates des villes nourrisent leurs enfans, et qu’elles les nourrissent ordinairement 2 à 3 ans, il en résulte souvent que les derniéres années leur fécondité se passent avec l’enfans à la mamelle, quant aux hommes, il ne sont pas vigoureux moins longtems ; il n’est pas rare de les voir encore pére à l’age de 70 ans, à moins que leurs premiéres années n’aient été passées dans la débauche. Les femmes stériles ne sont pas fréquentes ; je n’en ai découvert qu’un petit nombre, et dans les lieux élevés, ou l’aridité du sol et la sécheresse de l’air portent dans les fibres une rigidité qui donne lieux à quelques maladies dont je parlerai au chapitre 5 de cette section.

Des ages, sexes et saisons, ou il y a le plus de mortalité, et de la durée de la vie, dans les diverses contrées du Département

De l’age ou il y a le plus de mortalité

Il résulte des notes que j’ai prises dans l’état civil de la ville de Nice, pour plusieurs années, tant du tems actuel, que de celui qui a précédé 1790, que sur 10 enfans nés du même jour, 7 seulement parviennent à l’age de 60 ans en sus. Sur 65 morts on en trouve communément 44, au dessous de l’age de 15 ans, dont plus de deux tiers, avant cinq ans ; 17, de 15 à 60 et 4 de 60 ans en sus.

Dans les communes de la vallée de Paglion et autres environnantes, à 3 et 4 lieues de Nice, j’ai trouvé généralement sur la quantité de 36 morts ; 17, jusqu’à l’age de 5 ans ; 2 de 5 à 10 ; un de dix à 20 ; 9, de 20 à 60 ; 7, de 60 à 80 ans.

Dans les pays plus froids, à Bréglio, par exemple, j’ai compté sur les registres, avec le curé, homme intelligent et qui est ancien dans sa paroisse, que sur 78 nés, il en meurt 28 avant l’age de 10 ans, 12 de 10 à 20 ; 33 de 20 à 60, et 5 de 60 à 80 ; nous avons pareillement observé que cette proportion était moindre, il y a 20 ans.

Dans les régions plus froides encore, sur 100 enfans, à peine en arrive-t-il 4 à 60 ; on ne voit sur les régistres morturaires des curés que des ages d’un an à dix, et de 20 à 50, ou 55 ans.
Par conséquent, à Nice et communes circonvoisines, l’age le plus fatal est celui de 0 à 5 ; aprés, celui des années qui précédent la puberté ; passée cette époque, il y a plus d’espérance de vie, moyenant qu’on n’ait aucune maladie héréditaire.

Dans les régions froides, indépendamment des dangers de l’enfance et de l’age de puberté, on a encore à courir ceux des maladies inflammatoires très fréquentes dans les pays froids, et qui emportent les trois cinquième de ceux qui ont atteint l’age viril.

Commune faite pour tout le Département, de tous les enfans qui naissent dans une année, il n’en parvient que le tiers à l’age de 16 ans, et un cinquiéme à l’age de 60 ans en sus.

Du sexe, relativement à la mortalité

Il en résulte des mêmes notes, comme régle général, qu’il meurt communement moins de filles que de garçons, et plus de femmes que d’hommes ; sur 65 morts par exemple, je trouve 28 garçons, au dessous de 15 ans, 16 filles ; 10 hommes au dessus de 15 ans et 11 femmes. Les lois de l’économie animale expliquent très bien cette différence qui peut avoir des exceptions là, ou la premiére menstruation est difficile.

Des saisons ou il y a plus de mortalité

J’avais d’abord cru qu’à Nice, l’hiver devait être saison fatale surtout aux viellards, à cause de l’inconstant du temps ; et j’avoue que j’ai été très surpris, lorsque mettant en note pour l’ancien et le nouveau régime, l’age, le sexe et l’époque des morts, j’ai lu que c’était précisément dans le tems des plus grandes chaleurs et au commencement de l’automne, qu’il périssait les plus grand nombres de jeunes et de vieux pour 1790 et années précédentes.

Les mois de janvier, février, mars, avril et juin sont ceux, ou il y en a le moins de morts ; mai, novembre et décembre, sont ceux, ou il y a eu un peu plus ; en septembre davantage, puis en août, ensuite juillet et octobre, qui sont les mois ou il y a eu le plus de mortalité.

C’est à dire, dans les premiers mois, le plus de morts qu’il y ait eu en 2 jours, est de 6 ; dans les seconds, de 7 ; dans les troisièmes de 10 à 11 ; et dans les quatrième de 12 à 13.
On trouve les mêmes proportions dans le tems présent ; le trimestre de vendemiaire de l’an IX offre 229 morts, et celui de messidor y compris les jours complaimentaire, 225, desquels 71 depuis le 6 fructidor, il y a donc 454 morts pour les deux trimestres d’été et d’automne ; et 293 pour les deux autres trimestres total 747.

En l’an X, ou il y a eu 663 morts, il y en a eu 557 du 2 vendemiaire, au 12 primaire, et du 5 prairial au dernier complémentaire ; de sorte que 190 jours ont absorbé les deux tiers des décédés. Mais si l’an X a été plus funeste que l’an IX, on peut l’attribuer à juste titre, à ce qu’il y a eu de plus grandes chaleurs.

Durant les six premiers mois de l’an XI, des 320 morts le plus grand nombre a été en vendemiaire et brumaire. J’avoue qu’en voyant la quantité de pluie qui tombait journellement, je craignai que l’hiver fut insalubre. Loin de la qu’au contraire, il a été très sain, excepté pour les phthisiques qui ont tous péri. Tandis que le nord de la France était affligé d’affections catarrales assez meurtrières, nous avons joui à Nice d’une santé parfaite. Les apoticaires étaient inactifs, sauf pour les anglais qui avaient avec eux leurs médecins qui sont grands pharmacopoles. L’on voit de là que la fraicheur est salutaire dans ces climats, je reviendrai faire cet article en parlant des maladies.

Au contraire dans les régions froides, c’est dans les trimestres d’automne et d’hiver, que j’ai trouvé le plus de morts.

Les régions du département ou l’on vit le plus

Puisque la grande chaleur est l’époque la plus commune, qui met un terme à la vie, il semblerait conséquent de penser avec le chevalier John Sinclair que les contrées froides de ce département doivent être les plus favorables à la longévité ; cependant les recherches que j’ai faites, commune par commune, me prouvent le contraire, il y a bien des viellards partout, mais le nombre en est plus considérable et l’age plus avancé dans les parties méridionales que septentrionales. Déjà, tout ce que nous dit ci dessus le prouve, et je vait donner un surcroit de preuves à mon assertion, en donnant le nombre des viellards qui existent dans un certain nombre de communes situées dans les deux points opposés.

Je n’ai pu savoir ce nombre, au juste, dans la ville de Nice, (étant l’endroit ou l’on s’est le moins prêté à mes recherches) ; mais en dépouillant les registres mortuaires anciens et modernes, j’ai reconnu que la somme des viellards décédés annuellement, est assez exactement, année commune, de 100 à 106, desquels 80, de 60 à 80 ans et 26 de 80 à 90 ans.

A Nice, des 320 décès qu’il y a eu pendant les six premiers mois de l’an XI, la mortalité a eu lieu comme il suit :
120 enfants, depuis 0 jusqu’à sept ans.
70 males, depuis 7 jusqu’à 60 ans.
50 femelles, depuis 7 jusqu’à 60 ans.
57 viellards des deux sexes, depuis 60, jusqu’à 80.
23 viellards des deux sexes, depuis l’age de 60 à 90 ans et plus parmi lesquels Anne Leraudi, morte agée de 103 ans, 1 mois, 2 jours. Que le tiers à l’age de 16 ans, et un cinquième à l’age de 60 ans en sus.

J’eusse pu citer encore un grand nombre d’autres communes dans l’un et l’autre point, pour prouver que la rigidité supposée de la fibre, occasionnée par la secheresse d’une air chaud, ou diminue par la durer de la vie ; par exemple, nous avons Utelle, ville située sur un rocher à pic, regardant le levant et le midi, de la plus grande sécheresse, ou les vies de 100 ans ne sont pas rares ; d’un autre coté, presque en face d’Utelle, est Belvedere, privé du midi et de l’est, placé sur un rocher de granite, proche le torrent de la Gordolasca, ou les vies les plus longues sont de 70 ans. Je trouve encore dans mes notes une grande preuve de l’avantage d’avoir le midi, pour la longévité, dans la petite commune de Tora, élevée sur San Salvador et peuplée de 300 ames. Les vies de 90 ans n’y sont pas rares ; tandis qu’à Robion, commune éloignée d’une heure, et sur la même ligne, mais totalement ombragée du midi par une montagne, et froide, la longévité n’est que de 70 ans.

Qui dit le contraire ne connaît pas le midi de la France : Marseille renferme un grand nombre de viellards. Je sais que dans mon pays, il est rare d’aller au delà de 70 ans ; je me rappelle d’avoir vu dans mes jeunes années un viellard qui mourut à l’age de 105 ans, au pied de Rochemollon, la plus haute montagne de la Savoie, après le Mont-Blanc ; mais ces cas sont rares, ils tiennent aux constitutions individuelles, et non aux lois générales, sur lesquelles seules la phisique animale doit s’appuyer. J’ai été autre fois d’un avis pareil à celui de ceux qui sont pour les pays froids rélativement à la longévité, je me soumets aujourd’hui devant les faits.
D’ailleurs, les médecins n’observent-ils pas tous les jours que les constitutions séches sont plus durables que les tempéraments replets ?

Quant aux pays chauds et humides ou froids et humides, on peut voir qu’ils sont moins favorables à la longévité que les pays. On peut voir dans mon traité sur les maladies de Mantouan que j’avais déjà fait la même observation à Mantoue.

Du reste je pense que ce n’est pas seulement du climat qu’on doit attribuer la plus grande durée de la vie des habitans méridionaux du département ; le genre de vie et de travail y font aussi quelque chose ; dans la partie des oliviers, le peuple est mieux nourri et ses fatigues sont moindres ; je vois que dans cette partie même, comme à Briglio et à Saorgio, ou le cultivateur est obligé de faire des montées longues et pénibles pour aller travailler ses champs, y a moins de longévité et un plus petit nombre de viellards ; combien, à plus forte raison, de doivent pas user la constitution. Les travaux des habitans de la partie nord, qui sont toujours par les rochers et dont la nourriture est très mauvaise ? Ainsi, je trouve à la petite commune de Venanson, peuplée de 200 ames, pays élevé et difficile ou la plus longue vie n’est que de 55 ans, commune faite, que de vingt naissances, 2 parviennent à peine à l’age de 50 ans.

Quels sont en général dans les villes du département les plus beaux viellards ? Ceux qui jouissent d’une honnête aisance, et dont les travaux d’esprit et de corps n’ont pas été considérables ; on a beau dire, pour consoler le pauvre qu’il a pour lui une meilleure santé et une plus longue vie, le fait est que les riches qui n’abusent pas de leur fortune, ont plus de moyens que lui pour vivre longtems.

En conséquence du systeme sur l’obstacle que met la rigidité des fibres à la longueur de la vie, quelques auteurs pensent qu’il y a plus de femmes que d’hommes qui parviennent à la viellesse ; je n’ai pas non plus trouvé ce fait exact dans ce département ; il y a généralement plus de viellards du sexe masculin que du féminin ; dans un village, ou l’on comptera 10 viellards, souvent à pàeine trouverat-on 4 femmes du même age ; ce qu’on peut attribuer à ce qu’elles font des enfans, trop de bonne heure.

Le nombre des viellards et dans quelques endroits de 3 vingtièmes, dans d’autres de deux, dans d’autres d’un, et dans plusieurs communes, ils n’arrivent pas à ce nombre ; nous pouvons donc estimer que la proportion de la viellesse avec les autres ages de la vie est d’environ d’un vingtième pour tout le département.