Les chemins de l'adoption

2 regards, 1 adoption

Vincent et Valérie retracent leurs ressentis respectifs au cours du parcours adoptif qui les mènera vers leur fille, et montrent comment dans un contexte cependant identique, le vécu de chacun s’enrichit de ses différences.

VALERIE : Je me souviens de...

L’envoi de la lettre de demande d’agrément qui a été l’amorce du commencement… de ce premier pas qui m’a amenée vers notre fille aujourd’hui, premier pas qui m’est apparu si difficile à franchir… cette lettre signifiait pour moi, à l’époque, le renoncement de devenir une mère « normale » : une mère biologique…

Pour Vincent, c’était juste une démarche, la preuve qu’il fallait aller de l’avant et que deux projets (médecine et adoption) pouvaient être menés ensemble, en parallèle… c’était mathématique… aller vers un avenir qui même s’il s’annonçait difficile, était maîtrisable, dont l’avenir serait dans nos mains et non dans celles de médecins ou de « mère nature »…

Ce premier pas a été douloureux… et même la joie d’être mère aujourd’hui ne m’affranchit pas du souvenir de cette douleur… bien sûr, c’est comme une cicatrice, elle ne fait plus mal mais elle existe et me rappelle mon parcours, notre parcours… d’où je viens, par où je suis passée pour être là aujourd’hui…

Une fois, la lettre écrite et envoyée, je me suis vue sur le quai de la gare de la maternité avec cette certitude que le train arriverait avec plus ou moins du retard…

VINCENT : Je me souviens de...

L’envoi de la lettre de demande d’agrément qui a été l’amorce du commencement…  de notre chemin dans le parcours d’adoption. Il nous a fallu du temps pour écrire cette lettre, pour accepter que nous n’ayons pas d’enfant biologique : il a fallu probablement plus de temps à Valérie qu’à moi.

Dans un couple, chacun avance à son rythme et il faut commencer cette démarche d’adoption uniquement quand les deux personnes du couple sont prêtes. Un projet ne peut pas être porté que par l’une des deux personnes. De plus, la maturité du projet est la clé de tout ce qui va suivre. Bien sûr, il évolue au fil de nos échanges en couple, de nos rencontres…

Cette lettre signifie pour Valérie le renoncement à un enfant biologique alors que pour moi il s’agit des premiers pas sur un chemin qui nous permet d’arriver jusqu’à toi. Valérie a une idée sur « son  enfant » et j’ai la mienne sur « mon enfant ».  Pour l’instant, « notre enfant » a le visage des deux. L’important est d’avoir ce projet commun, celui de te rejoindre, où que tu sois.

Cette lettre représente le commencement des démarches « administratives » mais aussi et surtout de la ligne de départ de notre projet afin qu’il mûrisse à notre rythme et malheureusement à celui de l’administration française et de celle du pays qui t’a vue naître…

VALERIE : Je me souviens de…

La première réunion d’information sur l’adoption qui a été pour moi source de joie et de réconfort… alors que pour Vincent, la réalité des chiffres a été un moment difficile… cette réalité de chiffres qui engendrait dans son raisonnement des statistiques loin d’être favorables à notre projet de parents… et pourtant, de mon côté, on aurait pu m’annoncer 1 % voire moins, cela signifiait pour moi que c’était du domaine du possible alors que parallèlement cette même statistique de chance de devenir mère biologique, faisait naître en moi cette angoisse de porter, de faire supporter à l’autre ce si peu de chance de donner la vie…

Cette démarche d’adoption pour un couple peut permettre de retrouver cet équilibre, si difficile à trouver dans la procréation… car bien que l’amour qui unit un couple soit extrêmement fort, il n’en demeure pas moins que celui qui porte en lui la difficulté de faire l’autre parent, vit cela comme un poids, même s’il a le soutien indéfectible de son compagnon…

L’agrément permet de construire ce projet… L’accompagnement qui est proposé, par le questionnement qu’il suscite, aide à construire ce qu’il n’est pas possible de vivre et d’accepter… Ainsi, notre enfant au fur et à mesure de nos discussions, commençait à naître en Afrique…  De part nos histoires, ce continent semblait être une évidence et l’Europe de l’Est, l’évidence que nous n’irions pas…

Ainsi, nos démarches ont ciblé un continent… et bien que nous avions conscience, que nous nous fermions une grande partie de la Planète, il était pour nous impensable de chercher ailleurs quelqu’un que nous trouverions là-bas en Afrique et qui nous attendait…

VINCENT : Je me souviens de…

La première réunion d’information sur l’adoption qui a été pour moi le lieu des premiers calculs… Ces chiffres me confrontent à la réalité du monde de l’adoption. Il y a peu d’élus, c’est mathématique… donc comment faire pour trouver LE chemin qui va nous mener à toi… Je me rappelle m’être dit « ce pays semble avoir plus de chance pour concrétiser notre projet même si nous allons devoir patienter longtemps, longtemps… Oui, c’est vrai on a vraiment peu de chance…».

En tous cas, les informations obtenues sont capitales pour savoir où l’on va…

Et puis, très vite cette réunion laisse place à des recherches sur internet… Mon objectif est d’obtenir plus d’information sur la procédure d’agrément, sur l’adoption internationale, l’AFA, les OAA, le MAI, les forums d’adoption… Je ressens le besoin de tout savoir et internet est effectivement une source intarissable à la fois apaisante et stressante… Parfois on obtient quelques indices, souvent on s’y perd…

Mais à la réflexion, peu importe, internet est un moyen parmi d’autres et nous devons passer par là car notre projet s’affine petit à petit.

Et puis il y a surtout nos nombreux échanges, questionnement à deux qui sont les pierres fondatrices de notre famille en devenir, « son enfant » et « mon enfant » deviennent « notre enfant »…  Notre projet prend forme : un continent est maintenant choisi, Tu viendras d’Afrique…

Nous nous approchons de toi.

VALERIE : Je me souviens de…

L’euphorie de l’agrément qui s’atténue… à chaque porte d’OAA qui se ferme, à chaque coup de fil non structuré au début qui vous perturbe, à chaque fois que vous entendez « ah oui, moi, j’ai une amie d’amie qui a adopté par le biais de tels organismes… cela a été très rapide » et lorsque vous demandiez quand… on vous répondait à chaque fois « ah, mais cela fait  plusieurs années... ».

Et puis, afin de ne pas être seuls, vous participez à un groupe animé par le Conseil départemental de « parents en devenir »… qui vous porte… et vous recommencez à contacter les OAA, votre projet a mûri et une porte s’entrouvre…

L’OAA qui a retenu notre candidature nous dira « dans votre première lettre, votre projet n’était pas abouti, mais là, vous avez bien fait de persister dans votre choix d’Afrique »…

La joie d’avoir notre candidature retenue sera vite concrétisée par une proposition d’apparentement…  ce jour, où on vous appelle et on vous dit :

Voilà, nous avons une petite fille de 14 mois à vous présenter, si vous le souhaitez… elle est en parfaite santé… je vous laisse réfléchir et si vous êtes d’accord, je vous envoie sa photo…

VINCENT : Je me souviens de…

L’euphorie de l’agrément qui s’atténue… à chaque porte d’OAA qui se ferme… Certaines réponses sont plus difficiles à lire que d’autres car parfois blessantes ou tout simplement parce que le feeling avec cette OAA me semblait bon... Mais peu importe, il faut accepter, comprendre le pourquoi de ces refus et modifier nos lettres de présentation, notre approche...

Et puis il y a les personnes qui ont la solution car ils connaissent quelqu’un qui a adopté en 6 mois… « il y a 20 ans… ». Il n’y a probablement que de bonnes intentions mais elles sont parfois maladroites ou plus rarement déplacées… Mais pour faire face, il nous a fallu nous construire une carapace en n’abordant le sujet qu’avec des personnes de notre cercle proche ou ayant vécu le même parcours. En fait, seuls ceux qui ont vécu ce parcours peuvent comprendre notre chemin.

Il faut parfois apprendre à se taire pour nous rapprocher de Toi.

Et puis la persévérance a payé. Après un premier refus 6 mois plus tôt, la réponse d’un OAA laisse entrevoir un possible chemin. Les rendez-vous s’enchaînent, la lettre d’engagement est signée… Tu vis en République Démocratique du Congo.

Et puis quelques semaines après, le samedi 8 avril 2012 à 10 heures l’OAA nous appelle. Nous apprenons que tu es une fille, que tu as 14 mois, que tu t’appelles Félicita et que tu es en bonne santé. Arrive avec ce flux d’information, LA question de l’OAA :

Acceptez-vous cet apparentement ?
Prenez un peu de temps, réfléchissez bien et rappelez moi, si vous acceptez, je vous envoie sa photo.

VALERIE : Je me souviens de…

Cet instant où vous recevez cette photo d’un enfant… cet enfant qui pourrait devenir le vôtre… quand vous la recevez, vous avez de la joie et en même temps, vous vous dites… ça y est, c’est parti… ma première réaction a été de me dire en la voyant : Mon Dieu qu’elle est belle et grande pour 14 mois et qu’elle a l’air d’avoir un sacré tempérament...

Premières réactions qui ne furent pas démenties par notre rencontre, car oui, elle est belle et grande et oui, elle a un sacré caractère… mais comment cela aurait-il pu être autrement puisque son histoire faisait d’elle une survivante… qui lui permettait d’être prise en photo pour nous… futurs parents à 6 000 kilomètres d’elle…

VINCENT : Je me souviens de…

Cet instant où vous recevez cette photo d’un enfant… « Que tu es belle, Félicita ! » Tu sembles être en bonne santé, ton regard est sombre mais franc. Tu dois avoir beaucoup de caractère.

Et puis, petit à petit, au fil des secondes qui s’écoulent, de ces quelques mots que j’échange avec Valérie, sans vraiment m’en apercevoir,  la photo de cette enfant devient la photo de mon enfant, de notre enfant.

A l’instant précis où mon regard a croisé le tien sur cette photo, ton histoire est mêlée à la nôtre. Nous sommes liés par le cœur à tout jamais.

Il ne nous reste « plus » que le rythme de l’administration pour nous lier officiellement et par conséquent définir la date de notre première rencontre.

VALERIE : Je me souviens de…

L’apparentement qui est un moment de joie mais qui rend cette attente concrète mais irrémédiablement longue car l’affectif prend le dessus… et la moindre contrariété administrative vous rend un peu déraisonnable… en ce sens, que sommes nous prêts à accepter… ?

Et c’est là que la construction de notre projet prend tout son sens… ne jamais y renoncer… toujours avoir à l’esprit de se dire : « mais que pourrai-je raconter à ma fille de son histoire, pourrai-je quoiqu’il arrive la regarder sans avoir à baisser les yeux… et ce questionnement nous a guidés pendant tout notre chemin…? ».

Être choisi par un OAA est source normalement d’une démarche assurée et rassurante et pourtant même là, est-on à l’abri de rencontrer un chemin non parsemé d’embûches administratives…

VINCENT : Je me souviens de…

L’apparentement qui est un moment de joie mais qui donne sens à cette attente irrémédiablement trop longue…

Nous suivons quotidiennement les infos provenant de RDC (République Démocratique du Congo) et croisons les doigts pour que le pays reste calme sur tous les plans : la politique intérieure, la paix civile, les problèmes météorologiques, les relations à l’international…

Je suis imbattable sur ce qui se passe en RDC.  Même l’OAA n’a pas d’idée sur la durée de cette attente.

La tension est permanente…

VALERIE : Je me souviens de…

Cet instant où l’on vous dit :

Le jugement de votre fille n’est pas passé par le bon tribunal, le ministère congolais ne le valide pas, bien qu’il soit passé en commission et que votre dossier soit arrivé en France…

… et là, commence une attente insupportable, ce sentiment d’être pris en otage d’institutions… l’OAA se démène, part sur le terrain, rencontre le gouvernement congolais, le consul de France… vous vous retrouvez dans un imbroglio diplomatique où le niveau de négociation se fait entre deux pays… de votre côté, vous êtes là à voir les jours passer, les semaines puis les mois sans que rien ne bouge… ce temps de l’administration… et un jour, vous vous retrouvez à dire à l’OAA « si rien ne se défait dans une semaine, je prends un billet d’avion et fais le siège du ministère congolais jusqu’à ce que tout se débloque »...

Bien entendu, l’OAA s’est démené, 30 ans d’expérience, certes nous étions leur premier dossier dans ce pays et sur ce continent africain… mais notre venue aurait pu mettre en péril, tout le travail en amont de l’OAA... Pris dans l’émotion, nous avions perdu conscience que nos actes auraient pu avoir des conséquences sur ceux des autres… Notre dossier s’est enfin débloqué sans que nous ayons à nous déplacer et quelques semaines après, nous étions partis chercher notre fille… et quelques semaines après, le Congo fermait ses portes pour ne plus les ouvrir jusqu’à ce jour... Nous sommes passés dans un « trou de souris » et mesurons notre chance...

Rien n’est gagné, rien n’est acquis jusqu’à ce que vous serriez votre enfant dans vos bras après avoir passé la douane à Paris…

VINCENT : Je me souviens de…

Cet instant où l’on vous dit :

Le jugement de votre fille n’est pas passé par le bon tribunal.

Il y a un risque de devoir retarder d’un an ta venue chez toi. Depuis l’acceptation de notre dossier par l’OAA nous savons que nous sommes les premiers à adopter en RDC par son intermédiaire. Lors de nos échanges, nous nous étions pourtant bien dit qu’il était plus sur de passer par un OAA car tout est clair avec eux, nous n’aurions pas à passer par des questions d’éthiques… et là !!!!!

De nouvelles questions se posent entre nous : depuis le temps que nous patientons, faut-il payer pour accélérer les démarches dans le bon tribunal ?

La réponse n’a pas été aussi simple. Bien sûr, nous sommes restés sur le chemin que nous nous étions fixés mais quand il s’agit de son enfant, qu’il vit dans une certaine précarité, dans un orphelinat, certaines réactions peuvent être émotionnelles… même si  elles ne sont pas excusables pour autant…

Puis quelques semaines plus tard, une solution a été trouvée grâce à notre insistance très pressante mais surtout grâce à la présidente de l’OAA, puis au consul et enfin aux juges congolais… Tu portes maintenant le même nom de famille que nous et nous sommes officiellement tes parents.

Enfin !

Nous prenons un vol dès que possible pour te rejoindre, te rencontrer pour la première fois, te toucher, te parler, te câliner, t’embrasser…

VINCENT : Je me souviens de…

Ce moment dans l’avion au retour pour Paris où nous sommes assis tous les trois…

Tu dors paisiblement entre ton papa et ta maman.

Les douanes congolaises sont derrières nous et plus rien ne peut nous empêcher de te faire entrer dans ton nouveau chez toi et de vivre en famille.

Ce vol KINSHASA – PARIS est une bulle de pur bonheur où tout est à venir alors que tout est accompli…

Cet avion qui décolle représente notre envol vers cette nouvelle vie où tu vas grandir sous le regard bienveillant de tes nouveaux parents.

VALERIE : Je me souviens de…

Ce moment dans l’avion au retour pour Paris où nous nous sommes assis tous les trois… Je me souviens de ce premier regard porté sur notre famille à trois, par cette hôtesse de l’air… les yeux rougis me disant :

Mon Dieu, c’est merveilleux, qu’elle est belle, je vous souhaite tout le bonheur du monde…

Durant tout le trajet, elle a veillé sur nous… Ce vol fut un pur moment de Bonheur à consommer sans modération...

VINCENT : Je me souviens…

Qu’à ce moment-là, on pense qu’administrativement, tout est fini… car il ne nous reste plus que l’obtention de l’adoption plénière dans un tribunal français…

Mais voilà, le juge est tatillon et il sursoit son jugement car le tampon sur un papier ne provient pas de la bonne personne… Il faut refaire le document… Mais ça n’est pas bien grave, car tu vis avec nous et que l’on a connu des obstacles bien plus insurmontables.

Après quelques minutes de réflexion, le plan d’action se met en place, l’ancienne tutrice d’Emmanuelle nous a bien aidés.

Deux mois après, le jugement est rendu, l’adoption est plénière !!

Et même si cela n’a rien à voir, ce jour là nous nous disons que nous sommes pleinement tes parents !

VALERIE : Je me souviens...

Qu’à ce moment-là, on pense qu’administrativement, tout est fini… et bien, non, vous demandez l’adoption plénière à la justice française, ça vous paraît logique… et on sursoit au jugement, car le juge estime qu’il manque un tampon sur un papier… et après vous être enfin démené, vous obtenez ce précieux sésame qui fait que votre fille est officiellement état civilement parlant née de vous...

VINCENT : Je me souviens…

Qu’une fois, ce sésame donné, on pense qu’administrativement, tout est fini… et oui, c’est le cas mais humainement, tout commence et continue…

Ce lien enfant/parent se construit au quotidien et se consolide avec le temps qui passe. Il s’agit, une fois de plus, de laisser le temps au temps car un enfant ne se livre pas de la même intensité ni même simultanément à son papa et sa maman. Cela peut être difficile à vivre pour l’un des nouveaux parents… Il faut l’accepter et patienter car au fond, c’est l’enfant qui rythme la consolidation de ce lien.

De mon côté, mon amour envers toi n’a fait que croître depuis le premier instant où nos regards se sont croisés et je me rends compte à chaque instant de la chance que nous avons de t’avoir auprès de nous.

Mon rôle de père est maintenant de te guider sur le chemin que tu traces. Je souhaite simplement te donner les armes pour grandir sereinement et ainsi vivre ta vie. Ton rôle est simplement de la vivre avec la bonne humeur et cette détermination qui te caractérise.

C’est ça être père et  fille.

VALERIE : Je me souviens…

Qu’une fois, ce sésame donné, on pense qu’administrativement, tout est fini… et oui, c’est le cas mais humainement, tout commence et continue… vous devez vous apprivoiser avec ce petit bout né à des milliers de kilomètres qui se retrouve loin de sa terre de naissance et qui doit s’enraciner en vous….

Ce sont vos enfants qui vous font devenir parents, nous dit-on… et que se passe-t-il lorsque l’enfant que vous avez attendu depuis si longtemps vous rejette au début… tout simplement parce qu’elle avait tissé des liens très forts avec sa tutrice et qu’elle se sent trahie par cette femme et donc par les femmes… comment devenir sa mère alors que votre fille ne vous voit au début que comme une nourrice… elle se laisse habiller, doucher mais les gestes tendres les réservent à son père...

Bien entendu, vous avez beau être préparée au fait que l’on vous dise que votre enfant ne pourra pas s’investir dès le début dans deux relations… c’est souvent le père qui est rejeté… et bien là non… Alors comment ne pas en vouloir à cette tutrice dont la relation était si forte avec notre fille, comment ne pas lui en vouloir d’avoir fait naître en elle une blessure qui m’empêche de devenir sa mère… mais le temps, toujours ce temps fait son œuvre…

En acceptant qu’elle vienne tout doucement, quand elle l’aura choisi, en acceptant un simple regard quand elle est dans les bras de son père, en lui répétant même quand elle vous bouscule, qu’elle aura beau me tourner le dos, elle ne m’empêchera pas de l’aimer, en lui répétant chaque jour, « je t’aime, tu es ma fille et je suis si heureuse d’être ta maman… » et puis, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, votre fille se laisse aimer et devient votre fille au point où vous ne vous êtes jamais sentie aussi femme et mère…

Moi, qui avais du mal à renoncer à mon projet de mère biologique, me voilà, à jouer, rire, danser avec ma fille qui n’a pas mon ADN, ni mon sang, ni même la même couleur de peau… et pourtant  je suis et me sens une mère « normale » qui voit grandir sa fille, se questionne avec elle au fur et à mesure de nos discussions, notre complicité grandit dans le respect de ce que nous sommes chacune avec nos différences qui font nos richesses...

Alors vous vous surprenez un beau jour à ne plus en vouloir à cette tutrice et bien au contraire à l’aimer et la remercier au plus profond de votre cœur d’avoir aimé votre fille, de lui avoir appris à aimer car on aime comme on a été aimé, de lui avoir appris à avoir confiance en une femme qui fait qu’aujourd’hui elle sait ce qu’est ce lien d’amour et le reproduit, et ce lien nous le créons ensemble et continuons à le faire chaque jour…

C’est ça être mère et  fille.

© Mazaud Diana